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  • av Plutarque
    185,-

    " ... Antigonus eut deux fils de Stratonice, fille de Corrhéus : il appela l'aîné Démétrius, du nom de son frère, et l'autre Philippe, du nom de son père. C'est ainsi que l'écrivent la plupart des historiens. Toutefois, quelques-uns prétendent que Démétrius n'était pas fils d'Antigonus, mais son neveu ; ils disent qu'ayant perdu son père en bas âge, et sa mère s'étant remariée aussitôt après avec Antigonus, il passa pour fils de ce dernier. Philippe, qui n'était de guère moins âgé que Démétrius, mourut bientôt. Démétrius, quoique d'une taille avantageuse, était moins grand que son père ; mais sa beauté était si parfaite, son air si noble et si majestueux, que jamais peintre ni sculpteur ne put attraper sa ressemblance: son visage exprimait à la fois la douceur et la gravité, le terrible et l'agréable ; et à la fierté, à la vivacité de la jeunesse, étaient joints un air héroïque, une dignité vraiment royale, presque impossible à imiter. Ses m¿urs offraient le même contraste : elles étaient également propres à effrayer et à plaire..."

  • av Plutarque
    172,-

    "... Démosthène, le père de Démosthène, appartenait, suivant Théopompe, à la classe des plus distingués citoyens d'Athènes. On le surnommait le fourbisseur, parce qu'il avait un vaste atelier, où des esclaves étaient occupés à forger des épées. Quant aux allégations de l'orateur Eschine, qui prétend que la mère de Démosthène était fille d'un certain Gylon, banni d'Athènes pour crime de trahison, et d'une femme barbare, je ne puis dire si elles sont l'expression de la vérité, ou seulement un mensonge calomnieux. Démosthène, à l'âge de sept ans, perdit son père, et resta avec un bien assez considérable, car l'estimation de son patrimoine se monta à la somme de quinze talents environ ; mais il fut ruiné par l'infidélité de ses tuteurs, qui lui volèrent une partie de son avoir et laissèrent périr l'autre par leur négligence, jusque-là qu'ils refusèrent de payer le salaire de ses maîtres..."

  • av Plutarque
    185,-

    "... Cicéron, rempli d'espérances, s'apprêtait à entrer dans les affaires publiques ; mais un oracle émoussa son ardeur. Il avait demandé au dieu de Delphes par quel moyen il pourrait s'élever au faîte de la gloire : Ce sera, répondit la Pythie, en prenant pour guide de ta vie ton propre naturel, et non point l'opinion de la multitude. Arrivé à Rome, il s'y conduisit dans les premiers temps avec une extrême réserve : il montrait peu d'empressement à briguer les charges; on le laissait à l'écart ; et il s'entendait donner les noms injurieux de Grec et d'écolier, termes familiers à la plus vile populace de Rome. Mais son ambition naturelle, et les exhortations de son père et de ses amis, le poussèrent aux plaidoiries ; et il parvint au premier rang, non par des progrès lents et successifs, mais par des succès si brillants et si rapides, qu'il eut dépassé en un instant tous les athlètes des luttes judiciaires..."

  • av Plutarque
    185,-

    " ... Dion était frère d'Aristoinaque, ce qui lui attira d'abord la considération de Denys ; mais, dans la suite, ayant donné des preuves de son grand sens, son propre mérite le fit aimer et rechercher du tyran. Outre les autres marques que Denys lui donna de sa confiance, il commanda à ses trésoriers de lui fournir tout l'argent que Dion demanderait, pourvu qu'ils vinssent le jour même lui dire ce qu'ils lui auraient compté.Dion était naturellement fier, magnanime et courageux : qualités qui se fortifièrent encore en lui pendant un voyage que Platon fit en Sicile, par une fortune vraiment divine ; car on ne peut imputer ce voyage à aucune prudence humaine. Ce fut visiblement quelque dieu, qui, jetant de loin les premiers fondements de la liberté de Syracuse et de la ruine entière de la tyrannie, amena Platon d'Italie à Syracuse, et ménagea à Dion la faveur de l'entendre. Dion était fort jeune alors, mais plus propre à s'instruire et plus prompt à saisir les préceptes de la vertu qu'aucun de ceux qui eussent encore entendu les leçons de Platon : Platon lui-même lui rend ce témoignage ; et ses actions le confirment pleinement..."

  • av Plutarque
    197,-

    " Antoine eut pour aïeul l'orateur Antonius, que Marius fit mourir pour avoir embrassé le parti de Sylla ; et il avait pour père Antonius, surnommé le Crétique, personnage qui n'eut pas dans le gouvernement une réputation éclatante, mais qui fut d'ailleurs l'homme le plus juste, le plus honnête et le plus libéral. Le trait suivant en est la preuve. Comme sa fortune était médiocre, sa femme l'empêchait de suivre son penchant a la libéralité, Un jour donc un de ses amis vint le prier de lui prêter quelque argent: Antonius, qui n'en avait pas alors, ordonne a un de ses esclaves de lui apporter de l'eau dans un bassin d'argent. Quand on lui eut apporté le bassin, il le prend et se mouille la barbe, comme pour se raser; puis, l'envoyant l'esclave sous quelque prétexte, il donne le bassin a son ami, en lui disant de s'en aider. Peu de jours après, connue les esclaves cherchaient le vase par toute la maison, et qu'Antonius vit sa femme fort en colère et sur le point de faire appliquer l'un après l'autre ses serviteurs a la question, il lui avoua ce qu'il avait fait, et la pria de le lui pardonner. Cette femme était Julie, de la maison des Césars, laquelle ne le cédait à nulle Romaine dé son temps en sagesse et en vertu..."

  • av Plutarque
    185,-

    " Caton devait la première illustration et la première gloire de sa famille à Caton, son bisaïeul, lequel devint, par sa vertu, un des hommes les plus renommés et les plus puissants de Rome, ainsi que je l'ai écrit dans sa Vie. Celui dont nous parlons maintenant resta orphelin de père et de mère, avec son frère Cépion et sa s¿ur Porcie. Il avait aussi une s¿ur utérine, nommée Servilia. Ils furent tous nourris et élevés dans la maison de Livius Drusus, leur oncle maternel, un de ceux qui menaient alors les affaires de l'État, homme distingué par son éloquence et par sa sagesse, et qui ne le cédait, pour la grandeur d'âme, à aucun des Romains..."

  • av Plutarque
    185,-

    " Sylla, devenu le maître dans Rome, ne put venir à bout, ni par les promesses, ni par les menaces, de déterminer Cornélie, fille de Cinna, celui qui avait exercé la souveraine puissance, à se séparer de César ; et il confisqua sa dot. La parenté de César avec Marius fut la cause de son inimitié pour Sylla. En effet, Marius l'ancien avait épousé Julie, s¿ur du père de César, et c'est de Julie qu'était né Marius le jeune, cousin germain, par conséquent, de César. Dans les premiers temps des proscriptions, Sylla, distrait par d'autres soins, et par le grand nombre des victimes qu'il immolait chaque jour, ne songea pas à César ; mais César, au lieu de se laisser oublier, se mit sur les rangs pour le sacerdoce, et se présenta aux suffrages du peuple, quoiqu'il fût à peine entré dans l'âge de l'adolescence. Sylla, par son opposition, fit échouer sa demande : il voulut même le faire mourir. Et, comme ses amis lui représentaient qu'il n'y aurait pas de raison à tuer un si jeune enfant : Vous êtes, dit-il, bien peu avisés, de ne pas voir dans cet enfant plusieurs Marius. Cette parole, rapportée à César, le décida à se cacher ; et il erra longtemps dans le pays des Sabins. Puis, comme il se faisait porter pour changer de maison, parce qu'il était malade, il tomba la nuit entre les mains de soldats de Sylla, qui faisaient des recherches dans ce canton, et ramassaient ceux qu'ils y trouvaient cachés..."

  • av Plutarque
    172,-

    " Marcus Caton était originaire de Tusculum. On dit qu'avant de servir dans les armées et de s'occuper de l'administration des affaires, il vivait sur des terres du pays des Sabins, qu'il avait héritées de son père. Ses ancêtres passaient à Rome pour gens parfaitement obscurs ; mais Caton loue lui-même son père Marcus, comme un homme de c¿ur et un bon militaire ; il rapporte que Caton, son aïeul, avait obtenu plusieurs fois des prix de bravoure, et, qu'ayant perdu dans des combats cinq chevaux de bataille, on lui en paya la valeur aux frais du public, en récompense de son courage. C'était la coutume des Romains d'appeler hommes nouveaux ceux qui ne tiraient pas leur illustration de leur race, et qui commençaient par eux-mêmes à se faire connaître. Ils donnèrent donc à Caton le nom d'homme nouveau; pour lui, il disait que, s'il était nouveau à l'égard des honneurs et de la réputation, il était très-ancien par les exploits et les vertus de ses ancêtres. Son troisième nom, dans les premiers temps, n'était pas Caton, mais Priscus ; ce n'est que postérieurement que son esprit délié lui valut le surnom de Caton ; car les Romains appellent Caton l'homme qui s'entend aux affaires..."

  • av Plutarque
    172,-

    " ... Il n'y a aucun genre de combat auquel Marcellus ne fût apte, et où il ne se fût exercé ; toutefois, c'est dans le combat singulier qu'il se montrait supérieur à lui-même : jamais il ne refusa un défi, et il tua tous ceux qui osèrent le provoquer. En Sicile, il sauva Otacilius, son frère, en danger de perdre la vie, en le couvrant de son bouclier et en tuant ceux qui se jetaient sur lui. Aussi, dès sa jeunesse il avait reçu de ses généraux des couronnes et autres récompenses militaires. Sa réputation s'étant accrue encore, le peuple l'élut édile curule, et les prêtres, augure. L'augurat est un sacerdoce auquel la loi confie particulièrement le soin d'observer les signes des oiseaux, et d'en tirer des pronostics pour les choses à venir.Pendant son édilité, il se vit dans la nécessité d'intenter une accusation qui lui répugnait. Il avait un fils du même nom que lui, jeune, beau, non moins estimé de ses concitoyens pour l'excellence de son éducation que pour sa bonne conduite. Capitolinus, collègue de Marcellus, homme débauché et violent dans ses passions, s'éprit d'amour pour lui, et lui fit des propositions : l'enfant les repoussa d'abord seul, et garda le silence..."

  • av Plutarque
    185,-

    " Aristide, fils de Lysimachus, était de la tribu Antiochide, et du dème Alopèce. Quant à ses biens, on en a fort diversement parlé : suivant les uns, il vécut toujours dans une étroite pauvreté, et après sa mort il laissa deux filles qui furent longtemps sans trouver à se marier, à cause de leur indigence. Mais Démétrius de Phalère, dans son Socrate, attaqua cette tradition si universellement adoptée : il allègue qu'il connaissait, à Phalère, une campagne appelée la terre d'Aristide, où Aristide avait été enseveli; il énumère plusieurs preuves de la richesse de sa maison : premièrement, la charge d'archonte éponyme, qui lui échut par le sort des fèves, dignité réservée aux familles les plus opulentes, et qui composaient la classe des citoyens appelés pentacosiomédimnes ; en second lieu, l'ostracisme, sentence qu'on ne portait jamais contre les pauvres, mais seulement contre les hommes de grande maison, et que leur illustration héréditaire exposait à l'envie ; en troisième et dernier lieu, les trépieds des jeux publics consacrés par Aristide dans le temple de Bacchus, comme monument de victoire. On montrait encore de mon temps ces trépieds, sur lesquels se lisait cette inscription : La tribu Antiochide remportait la victoire; Aristide était chorège ; Archestratus conduisait la représentation. ..."

  • av Plutarque
    185,-

    " ...Les discours de Phocion étaient pleins de conceptions et de pensées heureuses, toujours énoncées avec une brièveté faite pour le commandement, et une austérité qu'aucun agrément ne tempérait, quoiqu'elle fût remplie de vues salutaires. Zénon disait que les paroles d'un philosophe devaient être trempées dans le bon sens: les discours de Phocion renfermaient beaucoup de sens en peu de paroles. Il semble que Polyeucte le Sphettien7 faisait allusion à cela, quand il disait que Démosthène était le meilleur des orateurs et Phocion le plus éloquent. Comme, parmi les monnaies, celles qui sous un moindre volume ont plus de valeur sont estimées davantage, ainsi la force du discours consiste à exprimer beaucoup de choses en peu de mots. Un jour que le théâtre était rempli de monde, Phocion se promenait sur la scène, tout recueilli en lui-même. Tu as l'air bien pensif, Phocion ? lui dit un de ses amis. - C'est vrai, répondit-il ; je pense, en effet, si je ne pourrais point retrancher quelque chose du discours que je dois prononcer devant les Athéniens. Démosthène, qui ne faisait aucun cas des autres orateurs, avait coutume de dire tout bas à ses amis, dès qu'il voyait Phocion se lever : Voilà la hache de mes discours qui se lève. Peut-être faut-il attribuer aux m¿urs de Phocion le pouvoir de son éloquence ; car, un mot, un signe de tête d'un homme de bien, ont autant de poids et de force, pour persuader, que des milliers de raisonnements et de périodes..."

  • av Plutarque
    197,-

    " Jamais, en effet, les Romains ne donnèrent à aucun autre général des preuves d'une haine aussi forte et violente que celle dont ils ont poursuivi Strabon, père de Pompée. Vivant, sa puissance dans les armes, car il était homme de guerre, le leur avait rendu redoutable ; et, quand il fut mort frappé de la foudre, ils arrachèrent le corps du lit funèbre, pendant les obsèques, et lui firent mille outrages. Or, aucun Romain, plus que Pompée, ne fut, en revanche, l'objet de leur vive affection ; nul ne la vit commencer plus tôt, ni persévérer plus longtemps dans sa prospérité, ni se soutenir avec plus de constance dans ses revers. L'aversion qu'on portait au père ne venait que d'une seule cause, son insatiable avarice ; mais il y en eut plusieurs à l'amour qu'inspirait Pompée : sa tempérance dans la manière de vivre, son adresse aux exercices des armes, son éloquence persuasive, la sincérité de son caractère, et son affabilité. Il était personne qui fut plus endurant avec les solliciteurs, ni qui obligeât plus volontiers : il donnait sans arrogance, et recevait avec dignité. La douceur de ses traits, qui prévenait en sa faveur avant qu'il eût parlé, ne contribua pas peu, dans les premiers temps, à lui gagner les c¿urs..."

  • av Plutarque
    172,-

    "...Cimon était fils de Miltiade et d'Hégésipyle, Thracienne de nation et fille du roi Olorus : c'est ce qu'on lit dans les poèmes d'Archélaüs et de Mélanthius en l'honneur de Cimon. C'est là ce qui explique comment Thucydide l'historien, parent de Cimon, était fils d'un Olorus, ainsi nommé en mémoire du roi son aïeul, et possédait des mines d'or dans la Thrace. On prétend même qu'il mourut en ce pays, ayant été tué dans un canton appelé Scapté-Hylé. On rapporta ses cendres dans l'Attique, et l'on montre encore son monument parmi les sépultures de la famille de Cimon, près du tombeau d'Elpinice, s¿ur de ce dernier. Mais Thucydide était du dème d'Alimuse, et Miltiade du dème de Lacia.Miltiade, condamné à une amende de cinquante talents, fut mis en prison ; et, n'ayant pu la payer, il mourut, laissant son fils Cimon dans la première jeunesse, et sa fille toute jeune aussi, et qui n'était point encore mariée. Cimon commença par se faire une fort mauvaise réputation dans la ville : on ne le connaissait que comme un débauché et un grand buveur, dont le caractère rappelait celui de Cimon son aïeul, que sa stupidité avait fait surnommer Coalémos..."

  • av Plutarque
    185,-

    " ...Il naquit de parents fort obscurs, pauvres, et vivant du travail de leurs mains. Son père se nommait, comme lui, Marius, et sa mère Fulcinia. Ce n'est que tard qu'il vit Rome, et qu'il goûta des m¿urs de la ville ; jusqu'alors il avait vécu à Cirrhéaton village du territoire d'Arpinum, d'une vie fort dure en comparaison de la douceur et de la politesse de celle qu'on menait à Rome, mais sage, et conforme à l'éducation des Romains d'autrefois. Il fit ses premières armes dans une expédition contre les Celtibériens, lorsque Scipion l'Africain assiégea Numance. Le général le remarqua entre les autres jeunes gens pour son courage mâle, et pour sa facilité à accepter la nouvelle discipline que Scipion introduisit dans une armée corrompue par la mollesse et le luxe. On dit aussi que le général l'avait vu attaquer en sa présence un ennemi corps à corps et le renverser à terre. Il tâchait donc de se l'attacher par des récompenses honorifiques. En outre, un jour après souper, comme on parlait de généraux, un des convives, soit qu'il doutât réellement, soit pour faire plaisir à Scipion, lui demanda quel général et quel chef le peuple romain aurait après lui pour le remplacer. Scipion frappant doucement sur l'épaule de Marius, qui était assis au-dessous de lui : Peut-être bien celui-ci, répondit-il; tant ils étaient heureusement nés tous deux, l'un pour annoncer sa grandeur future dès sa jeunesse, l'autre pour comprendre par le début quelle serait la fin !..."

  • av Plutarque
    185,-

    " Lucius Cornélius Sylla était de famille patricienne, comme qui dirait de race noble. On dit que Rufinus, un de ses ancêtres, parvint au consulat ; mais qu'il fut moins connu par cette élévation que par la flétrissure qui lui fut infligée : il fut convaincu de posséder plus de dix livres pesant de vaisselle d'argent, ce qui était une contravention à la loi ; et, pour ce fait, il fut chassé du Sénat. Ses descendants vécurent depuis dans l'obscurité, et Sylla lui-même fut élevé dans un état de fortune fort médiocre. Pendant sa jeunesse, il logeait à bail chez d'autres pour un faible loyer, comme on le lui reprocha dans la suite, lorsqu'il fut parvenu à une opulence pour laquelle on ne le trouvait pas né. Un jour, après la guerre d'Afrique, il se vantait lui-même et glorifiait ses exploits: Comment serais-tu homme de bien, lui dit un des plus distingués citoyens et des plus honnêtes, toi qui, n'ayant rien hérité de ton père, possèdes une si considérable fortune ? En effet, quoique les Romains eussent déjà dégénéré de la droiture et de la pureté de m¿urs de leurs ancêtres, et qu'ils eussent ouvert leur c¿ur à l'amour du luxe et de la somptuosité, c'était néanmoins un égal opprobre, en ce temps-là, et de dissiper sa fortune et de ne pas conserver la pauvreté de ses pères..."

  • av Plutarque
    185,-

    " ... Pyrrhus avait bien dans les traits un air de majesté, mais plus propre à inspirer la crainte que le respect. Sa mâchoire supérieure n'était pas formée de dents séparées : c'était un seul os continu, marqué seulement de légères entailles aux endroits où les dents auraient dû être séparées. On croyait qu'il guérissait les maladies de la rate ; pour cela il immolait un coq blanc, faisait coucher les malades sur le dos, puis il leur posait doucement son pied droit sur le flanc. Il n'était homme si pauvre ni de si basse condition qui n'obtînt de lui ce remède, aussitôt qu'il le demandait. Il recevait pour salaire le coq qu'il avait immolé ; et ce présent lui était particulièrement agréable. On dit que son gros orteil du pied droit avait une vertu divine ; à ce point qu'après sa mort, lorsque son corps eut été brûlé tout entier sur le bucher, on retrouva cet orteil intact, et sans aucune trace des atteintes du feu. Nous reparlerons de ceci plus tard..."

  • av Plutarque
    185,-

    " Archidamus, fils de Zeuxidamus, mourut, après avoir régné glorieusement sur les Lacédémoniens, laissant de Lamprido, femme distinguée, un fils nommé Agis, et d'Eupolia, fille de Mélisippidas, un fils beaucoup plus jeune, Agésilas. La royauté, d'après la loi, appartenait à Agis. Agésilas, qui semblait destiné à vivre en simple particulier, reçut l'éducation ordinaire des Lacédémoniens, cette rude et pénible éducation qui est pour les jeunes gens l'apprentissage de l'obéissance, et qui a fait, dit-on, donner à Sparte, par Simonide, l'épithète de dompte-mortels. En effet, il n'est point de ville qui rende les citoyens plus soumis et plus dociles aux lois, comme on dompte les chevaux dès leurs premières années. La loi dispense de cette nécessité les enfants élevés pour régner plus tard. Mais Agésilas eut cet avantage particulier, qu'il ne parvint au commandement qu'après avoir appris à obéir. Aussi fut-il de tous les rois celui qui sut le mieux s'accommoder à ses sujets, parce que, outre les qualités de général et de roi que lui avait données la nature, il avait puisé dans son éducation des sentiments populaires et l'amour de ses semblables..."

  • av Plutarque
    185,-

    "... Lysandre, ayant appris que Cyrus, le fils du roi, était arrivé à Sardes, alla le trouver, pour lui parler des affaires de la Grèce et se plaindre de Tisapherne. Tisapherne, qui avait ordre de secourir les Lacédémoniens et de chasser les Athéniens de la mer, semblait ne s'y porter que froidement, par amitié pour Alcibiade ; il ne fournissait que fort maigrement à la flotte les provisions nécessaires, et la faisait ainsi périr insensiblement. Cyrus, de son côté, souhaitait qu'il y eût des plaintes contre Tisapherne, et qu'on le décriât de réputation, parce que c'était un méchant homme, et d'ailleurs son ennemi particulier. Lysandre captiva le jeune homme, parla d'abord, et aussi par les charmes de sa conversation, surtout par son adresse à lui faire la cour ; aussi le fortifia-t-il aisément dans ses desseins de guerre. Comme il se disposait à partir, Cyrus lui donna un grand festin, et le pria de ne pas rejeter les témoignages de sa bienveillance et de lui demander tout ce qu'il voudrait, en l'assurant qu'il ne serait pas refusé. Cyrus, dit Lysandre, puisque telles sont pour moi tes favorables dispositions, je te demande et te supplie d'ajouter une obole à la paie des matelots, afin qu'au lieu de trois oboles par jour ils en reçoivent quatre. Cyrus, charmé de son désintéressement, lui donna dix mille dariques..."

  • av Plutarque
    185,-

    L'aïeul de Lucullus était personnage consulaire; et Métellus, surnommé Numidicus, fut son oncle maternel. Quant à ses parents, son père fut convaincu de péculat, et Cécilia, sa mère, eut une mauvaise réputation, comme ayant mené une vie déréglée. Lucullus, dans sa première jeunesse, avant d'avoir exercé aucune charge et mis la main aux affaires publiques, signala son début dans le monde par une action d'éclat : il poursuivit en justice, pour cause de concussion, l'augure Servilius, l'accusateur de son père : démarche qui lui fit le plus grand honneur aux yeux des Romains ; on ne parlait de cette accusation que pour lui en faire un titre de gloire. Et en effet, on tenait pour honorables les accusations qui n'avaient même pas de motif personnel ; et l'on aimait voir les jeunes gens s'acharner à la poursuite des coupables, comme les chiens après des bêtes sauvages. Cette affaire fut suivie de part et d'autre avec tant d'animosité, qu'il y eut des gens blessés et tués dans les débats : du reste, Servilius fut absous...

  • av Plutarque
    172,-

    "... Ceux qui voudront connaître sa figure n'ont qu'à jeter les yeux sur sa statue de bronze qui est à Rome, placée près du grand Apollon de Carthage, vis-à-vis du cirque, et qui porte une inscription grecque. Quant au caractère, on dit qu'il était également prompt et à s'irriter et à rendre service ; avec cette différence qu'il ne châtiait que légèrement, et sans s'opiniâtrer dans sa colère, au lieu qu'il ne se contentait jamais de faire plaisir à demi : il conservait pour tous ceux qu'il avait obligés autant d'affection et de zèle que s'ils eussent été ses bienfaiteurs ; sa plus grande richesse était, disait-il, de cultiver, de s'attacher par ses prévenances, ceux à qui il avait rendu service. Plein d'une extrême ambition et d'un ardent désir de gloire, il voulait être l'unique artisan de ses actions les plus grandes et les plus belles, et préférait ceux qui avaient besoin de son secours à ceux qui pouvaient lui venir en aide : il voyait dans ceux-là une matière pour exercer sa vertu, et dans les autres des rivaux qui lui disputaient la gloire..."

  • av Plutarque
    185,-

    ...Ou peut dire d'abord de Nicias ce qu'en a écrit Aristote : qu'il y avait à Athènes trois hommes, les meilleurs citoyens, qui avaient pour le peuple une bienveillance, une affection paternelle, Nicias fils de Nicératus, Thucydide fils de Milésias, et Théramène fils d'Agnon. Ce dernier toutefois avait ces qualités moins que les deux autres : on lui faisait un crime de sa naissance, comme étranger, natif de Céos; et son manque de fixité dans la politique, qui se faisait flotter sans cesse entre les partis, l'avait fait surnommer Cothurne. Thucydide était le plus âgé des trois ; et plusieurs fois il se mit à la tête du parti des nobles et des gens de bien, et combattit Périclès, qui disposait du peuple. Nicias était plus jeune ; cependant il jouissait de quelque considération dès le temps de Périclès : il fut son collègue dans le commandement des armées, il commanda même seul plus d'une fois. Après la mort de Périclès, il se trouva aussitôt porté au premier rang, surtout par les personnages les plus riches et les plus distingués, qui voulaient se faire de lui un rempart contre le cynisme et l'audace de Cléon. Malgré cela, il était dans les bonnes grâces du peuple, qui appuya son élévation. Cléon était fort puissant, il est vrai, parce qu'il traitait le peuple comme on fait un vieillard, et le payait pour qu'il se laissât conduire. Mais, en voyant son insatiabilité, son effronterie, son impudence, la plupart de ceux même qu'il voulait séduire par cette conduite s'attachaient à Nicias...

  • av Plutarque
    172,-

    "... Philop¿men ne montra nulle faiblesse, nulle condescendance : il se mit à parcourir les villes, prenant les jeunes gens un à un, éveillant en eux l'amour de l'honneur, usant de rigueur quand il le fallait ; et souvent il leur faisait faire des exercices, des parades, des petites guerres dans les endroits où il devait se trouver le plus de spectateurs. En peu de temps ils eurent acquis une vigueur et une ardeur étonnantes. Il les rendit si agiles, si prompts à exécuter les man¿uvres, il les accoutuma si bien à faire conversion à droite ou à gauche par escadrons, demi-tour ou volte-face homme par homme, qu'à voir la facilité avec laquelle la troupe entière exécutait les évolutions, on eût dit un seul corps opérant un mouvement spontané..."

  • av Plutarque
    185,-

    ... Suivant les auteurs romains, le seul défaut qui faisait ombre sur les nombreuses vertus de Crassus, c'était son avarice. Mais on peut dire que ce défaut, qui était à lui seul plus fort que tous ceux qu'il avait en lui, avait éclipsé tous les autres. Les plus grandes preuves que l'on donne de son avarice, ce sont les moyens qu'il employait pour acquérir, et l'immensité de sa fortune. Il ne possédait d'abord pas plus de trois cents talents1 ; et, dans la suite, pendant son administration politique, il consacra à Hercule la dixième partie de ses biens, donna un banquet au peuple, et distribua à ses frais à chaque citoyen du blé pour trois mois ; et, malgré ces prodigalités, lorsqu'avant de partir pour son expédition contre les Parthes il dressa un état de sa fortune, il trouva que le total de ses fonds montait encore à sept mille cent talents. Et la plus grande partie de ses biens, s'il faut dire une vérité déshonorante pour lui, il l'amassa par le feu et la guerre ; les calamités publiques lui furent une large source de revenus...

  • av Plutarque
    185,-

    " ...Quintus Sertorius naquit d'une famille assez distinguée, dans la ville de Nursia, au pays des Sabins. Il perdit son père en bas àge, et fut très-bien élevé par sa mère, à laquelle il témoigna toujours une extrême tendresse : elle se nommait, dit-on, Rhéa. Il s'exerça d'abord à plaider, et, jeune encore, y réussit assez pour acquérir par son éloquence le plus grand crédit dans Rome ; mais l'éclat de ses succès militaires tourna son ambition du côté des armes.Il fit sa première campagne sous Cépion4, lorsque les Cimbres et les Teutons envahirent la Gaule. Les Romains furent défaits et mis en déroute : Sertorius, qui avait eu un cheval tué sous lui, et qui était lui-même blessé, traversa le Rhône à la nage, armé de sa cuirasse et de son bouclier, en luttant avec effort contre l'impétuosité du courant : tant son corps était robuste, et endurci à la fatigue par un long exercice ! Ces mêmes ennemis revinrent une seconde fois avec une armée innombrable, vociférant d'affreuses menaces, jusque-là que c'était alors un trait de courage extraordinaire à un soldat romain de tenir ferme à son poste et d'obéir à son général. Marius commandait l'armée ; et Sertorius entreprit d'aller reconnaître, comme espion, le camp des ennemis..."

  • av Plutarque
    172,-

    "... Timoléon était fils de Timodème et de Démariste, personnes de noble famille dans Corinthe. Amant passionné de sa patrie, il était d'une douceur singulière, sauf une haine violente contre la tyrannie et contre les méchants ; il était si heureusement né pour la guerre, et ses facultés se compensaient si bien, qu'il s'y distingua, dans sa jeunesse, par une prudence consommée, et que, dans sa vieillesse, il n'avait rien perdu de sa vigueur d'exécution. Il avait un frère aîné, Timophane, qui ne lui ressemblait en rien : c'était un écervelé, et qu'avait corrompu une folle ambition de se faire maître unique, que lui inspiraient des amis pervers, et les soldats étrangers dont il était sans cesse environné. Il avait montré dans les batailles une certaine audace, une intrépidité aventureuse : aussi donna-t-il à ses concitoyens une grande opinion de son courage et de son activité, et obtint-il plus d'une fois des commandements militaires. Il était secondé par Timoléon, qui couvrait ses fautes ou du moins en atténuait aux yeux la gravité, et qui relevait, qui faisait valoir les bonnes qualités qu'il avait reçues de la nature..."

  • av Plutarque
    185,-

    "... Pélopidas, fils d'Hippoclus, était d'une famille noble de Thèbes, comme Épaminondas. Élevé dans une grande opulence, héritier dès sa jeunesse d'une fortune brillante, il se livra au soulagement de ceux qui étaient dans le besoin, et qui méritaient ses bienfaits : il voulait montrer qu'il était le maître et non l'esclave de ses richesses. Parmi les hommes, dit Aristote, les uns ne font point usage de leurs trésors par avarice, les autres en abusent en menant une conduite désordonnée ; et ils sont toute leur vie esclaves, les uns de leurs plaisirs, les autres des affaires. Les amis de Pélopidas usèrent avec reconnaissance de sa bonté et de sa libéralité, à l'exception du seul Épaminondas, qu'il ne put décider à accepter une part de sa richesse. Lui-même, cependant, il s'associa à la pauvreté d'Épaminondas, par la simplicité de ses vêtements, la frugalité de sa table, son activité dans le travail, son scrupule à ne chercher les succès qu'à visage découvert. Il ressemblait au Capanée d'Euripide, qui était fort riche, mais auquel sa richesse n'inspirait point de fierté. Il eût rougi de donner au soin de son corps plus que ne faisait le plus pauvre des Thébains. Épaminondas, familiarisé avec la pauvreté, qui était pour lui héréditaire, se la rendit encore plus facile et plus légère par la philosophie, et parce que, dès sa jeunesse, il résolut de vivre dans le célibat. Pélopidas, au contraire, avait fait un brillant mariage ; il avait des enfants ; mais il n'en devint ni moins insouciant d'augmenter sa fortune, ni moins dévoué à tous les instants au service de sa patrie. Il avait perdu de son opulence, et ses amis l'en blâmaient, disant qu'il avait tort de ne point s'occuper d'une chose nécessaire, la possession de ses biens : Nécessaire, oui certes ! mais pour Nicodème que voici, répondit-il en leur montrant un homme aveugle et boiteux..."

  • av Plutarque
    185,-

    " ... Quand les acclamations de la foule et le bruit eurent cessé, Cominius, s'adressant aux soldats : Compagnons, dit-il, vous ne pouvez forcer Marcius à recevoir des présents qu'il ne veut pas accepter. Mais donnons-lui une récompense qu'il ne puisse refuser ; et décernons-lui le nom de Coriolan, si toutefois l'exploit même ne le lui a point déjà donné avant nous. Depuis ce jour, Coriolan fut le troisième nom de Marcius. Ce fait met en lumière l'usage des Romains. Ils avaient d'abord un nom propre, ainsi Caïus ; le deuxième nom, Marcius par exemple, était le nom de la maison ou de la famille ; le troisième s'ajoutait plus tard aux deux autres : on le tirait ou d'une action particulière, ou d'un événement, ou du caractère, ou de la figure, ou de quelque vertu..."

  • av Plutarque
    185,-

    " ... Paul Émile, nommé consul, alla faire la guerre aux Liguriens, situés au pied des Alpes, et que certains auteurs nomment Ligustins : c'était une nation fière et belliqueuse, exercée par les longues guerres que lui avait attirées le voisinage des Romains. Ils occupent, en effet, cette extrémité de l'Italie que bornent les Alpes, et cette partie des Alpes mêmes que baigne la mer Tyrrhénienne, en face de la côte d'Afrique. Ils sont mêlés avec les Gaulois et avec les Ibères maritimes. En ce temps-là, ils écumaient cette mer, montés sur des vaisseaux corsaires, pillaient et ruinaient les marchands, et poussaient leurs courses jusqu'aux colonnes d'Hercule. Quand Paul Émile entra dans leur pays, ils étaient quarante mille hommes en armes : lui, qui n'avait en tout que huit mille hommes, attaque un ennemi cinq fois plus nombreux, le met en fuite, et le renferme dans ses murailles. Il offrit aux Liguriens des conditions pleines de douceur et d'humanité ; car les Romains ne voulaient pas complètement détruire une nation qui était comme une barrière et un boulevard contre les mouvements des Gaulois, qui ne cessaient de menacer l'Italie. Les Liguriens, se confiant à Paul Émile, lui remirent à discrétion leurs vaisseaux et leurs villes. Il leur rendit les villes, sans y avoir fait autre mal sinon qu'il en démolit les murailles ; mais il leur enleva tous les vaisseaux, et ne leur laissa pas une barque qui eût plus de trois bancs de rames. Il mit en liberté un grand nombre de prisonniers, qu'ils avaient faits sur terre et sur mer, tant Romains qu'étrangers..."

  • av Plutarque
    172,-

    "... Il y en a qui représentent Thémistocle cherchant, par tous les moyens, à gagner de l'argent pour fournir à ses prodigalités. Comme il aimait à faire des sacrifices, et qu'il traitait magnifiquement les étrangers, ses dépenses devaient être considérables. D'autres, au contraire, l'accusent d'une avarice et d'une mesquinerie sordides, jusqu'à envoyer vendre les comestibles dont on lui faisait présent. Un jour, il avait demandé un poulain à Diphilidès, l'éleveur de chevaux, et il avait essuyé un refus : il le menaça de faire bientôt de sa maison un nouveau cheval de bois ; donnant à entendre qu'il susciterait à ce personnage des querelles de famille et des procès avec ses parents..."

  • av Plutarque
    185,-

    " ... Déjà une foule de citoyens distingués s'empressaient autour d'Alcibiade, et recherchaient son amitié ; mais on s'apercevait facilement que le motif de ces assiduités, c'était leur admiration pour les charmes de sa personne. Au contraire, l'amour que lui portait Socrate ne fut qu'un hommage rendu à la vertu du jeune homme, et à son heureux naturel. Socrate en voyait briller les traits à travers la beauté de son corps ; et, redoutant les périls que lui faisaient courir ses richesses, sa naissance, et cette foule de citoyens, d'étrangers et d'alliés, qui cherchaient à se l'attacher par leurs flatteries et leurs complaisances, il se crut appelé à le sauver de sa perte, et à empêcher, par ses soins, que cette plante ne se perdit dans sa fleur et ne gâtât le fruit qu'elle faisait espérer. En effet, jamais homme ne reçut, de la Fortune, aussi complète enveloppe extérieure, aussi fort rempart de biens, comme on les appelle, pour devenir impénétrable aux coups de la philosophie et inaccessible aux aiguillons piquants des libres remontrances..."

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