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  • av Andre Theuriet
    172,-

    Un clair matin de juin à l'époque où les prés ne sont pas encore fauchés, mais où les cerises mûrissent déjà. Le soleil qui vient de s'élancer au-dessus des massifs de la Tournette, crible de rayons la prairie, les vignes et les vergers qui dévalent du village d'Angon vers le lac aux eaux bleues. Une gaie lumière argente l'herbe onduleuse, glisse sur les feuilles lustrées des noyers, donne aux vignobles une verdure plus phosphorescente et aux cerises de plus vives rougeurs. Bien qu'on soit en semaine, des groupes de paysans en habits de travail flânent au long des vergers qui s'avancent en pointe vers le lac. Épars sur la rive ou attroupés à l'ombre des noyers, tous ont les yeux fixés du côté du village dont on voit les toits bruns fumer parmi les arbres. Leurs regards observent curieusement une grande maison savoyarde, moitié ferme, moitié château, qui dresse à gauche du chemin ses grises tourelles carrées, et abrite de sa toiture en auvent une galerie à balustres dont les piliers s'enguirlandent de plantes grimpantes. Les croisées de ce logis d'honnête apparence sont fleuries de géraniums cramoisis et s'ouvrent toutes sur le paysage du lac. Un large escalier de pierre met la galerie en communication avec les allées du verger, et sur cet escalier paraît un jeune garçon svelte et alerte. Il descend lestement les marches. À sa vue, une rumeur se produit dans les groupes...

  • av Charles Louandre
    184,-

    Le moyen-âge présente un singulier phénomène. La société est assaillie par des maux sans nombre ; une plainte amère et profonde sort de chaque siècle : cette plainte, d'âge en âge, est répétée par l'histoire, et jusqu'à la renaissance, parmi ceux qui souffrent, qui discutent et qui pensent, personne ne cherche dans la constitution sociale et les lois, la cause et le remède des misères et des douleurs qui frappent fatalement chaque génération. L'esprit humain, dompté par la foi, accepte le mal comme le châtiment inévitable d'une faute héréditaire, et, en présence des réalités les plus désastreuses, son activité se concentre tout entière sur les abstractions de la métaphysique religieuse. Ce n'est point à la société, mais au dogme ou à l'église que s'attaquent les novateurs et les utopistes. Chaque réformateur s'annonce comme un prophète : la lutte des idées est, pour ainsi dire, transportée dans l'infini, et le moyen-âge, dans la sphère intellectuelle, n'est qu'un long tournoi théologique ; mais au XVIe siècle le génie de la controverse, épuisé par Luther et Calvin, retombe brusquement du ciel sur la terre; la théologie se retire de la scène active du monde pour se réfugier dans l'école ; le problème du bonheur terrestre remplace peu à peu le problème du bonheur éternel, et l'inquiétude des esprits, limitée aux intérêts positifs, se rejette violemment dans les controverses sociales...

  • av Andre Theuriet
    172,-

    Notre voiture descendait rapidement la rampe de Talloires. Arrivé au Vivier, le cocher mit son cheval au pas pour le laisser souffler, de sorte que nous pûmes examiner à loisir le paysage matinal. - La route creusée dans le roc courait, blanche, au long du lac d'Annecy en doublant la pointe où se dresse la chapelle abandonnée de la Madeleine. À droite, la nappe glauque du lac, que le vent ridait légèrement, s'étendait jusqu'à la bordure des vignobles qui forment la première assise des montagnes d'Entrevernes. De longs nuages errants, coupant les sommets par le milieu, n'en laissaient voir que la base verdoyante et la cime ensoleillée. Au fond, les bois de sapins de la gorge de Doussard, à demi noyés dans une vapeur bleu foncé, faisaient mieux valoir encore l'azur clair de l'eau sur laquelle la presqu'île d'Angon découpait les dentelures de ses peupliers. À notre gauche, une paroi de rochers surplombait au-dessus de la route et, parmi les broussailles qui en tapissaient la crête, on distinguait un sentier de chèvre, serpentant sur la corniche, à une trentaine de mètres...

  • av Andre Theuriet
    196,-

    C'était à l'époque où l'on construisait la maison centrale. L'administration des prisons ayant résolu de dédoubler le personnel de celle de Cl..., en transportant les femmes qui y étaient détenues dans une autre localité, un inspecteur général avait déclaré que les bâtiments de l'ancienne abbaye d'Auberive répondraient merveilleusement aux vues du ministre. En conséquence, l'État avait acquis le vieux domaine des Cisterciens, et on était en train de l'approprier à sa nouvelle destination, au grand désespoir des habitants du bourg, qui se souciaient peu d'avoir une maison de force et de correction dans leur voisinage. Le directeur de Cl..., impatient d'être débarrassé de ses détenues, pressait les travaux avec une activité fiévreuse ; et, comme son établissement n'était séparé d'Auberive que par une huitaine de lieues, il passait la moitié de son temps sur le chantier des constructions commencées, examinant les gros murs, harcelant l'architecte, bousculant les entrepreneurs et faisant endiabler les ouvriers...

  • av Andre Theuriet
    172,-

    C'était, autant qu'il m'en souvienne, en décembre, un après-midi de dimanche ; car du fond de notre salle à manger, j'entendais les sonneries des vêpres tinter à l'église voisine. On m'avait laissé à la maison sous la garde de Céline, ma bonne. Depuis que j'avais perdu ma mère, trois ans auparavant, mon père s'absentait fréquemment. Il aimait le monde et s'ennuyait chez lui.Cette fois, son absence devait durer huit jours ; il avait pris un congé pour aller à Paris - à l'Administration comme on disait couramment chez nous. - Il était fonctionnaire et sollicitait son avancement. Nous restions donc, Céline et moi, les maîtres du logis et nous occupions nos loisirs du mieux que nous pouvions. J'avais installé sur la table, non loin du poêle, un petit théâtre en cartonnage et, prenant, l'une après l'autre, les marionnettes accrochées à un fil de fer, je me jouais à moi-même de très émouvantes comédies. Quant à ma bonne, bien que ce fût jour férié, sans souci des défenses de l'Église, elle avait posé sur deux dossiers de chaises une planche capitonnée de flanelle et, très affairée, elle repassait des chemises et des collerettes...

  • av Charles Louandre
    172,-

    "... Les archéologues en province ne sont ni moins nombreux ni moins actifs que les numismates. Le mouvement a commencé, surtout en ce qui touche l'archéologie nationale, par la Normandie, et MM. de Gerville, de Caumont, Le Prévost en ont été les véritables promoteurs. Chacun, dans cette spécialité même, a pris une spécialité distincte, en s'attachant toujours à quelque province ou à quelque ville ; mais, par malheur et à force de particulariser, on est arrivé aux infiniment petits : après avoir fait plusieurs volumes sur un seul monument, on a fait des volumes sur un clocher, de gros articles sur de petites cloches, des mémoires sur des sonnettes de sacristie, témoins MM. Eloy Johanneau, Vergniaud Romagnesi et A. Dufaur de Pibrac. La faute, du reste, n'en est pas seulement aux érudits, mais bien aussi au comité des Arts de Paris, qui a encouragé les études microscopiques en leur attribuant une importance exagérée. Cette réserve faite, il est juste de reconnaître qu'il s'est produit d'excellentes choses, et comme preuve il suffit de jeter les yeux sur les travaux de M. F. de Vernheil à Nontron, l'abbé Texier à Clermont, Le Prévost à Évreux, Duval et Jourdain à Amiens, Mallet en Auvergne, Deville à Alençon, Voiliez à Beauvais, l'abbé Greppo à Belley, l'abbé Godard dans la Nièvre. Il y a là un ensemble d'études sérieuses, désintéressées, et qui méritent d'autant plus d'éloges qu'elles ont été poursuivies avec persévérance, sans le secours des bibliothèques et des grandes collections de la capitale, sans les encouragements du gouvernement, sans les fanfares de la critique..."

  • av Elie Faure
    220,-

  • av Alexandre Dumas
    184,-

    ... Oh ! Lectoure est un gentilhomme de sens, et ce qu'il sait de notre famille lui a inspiré le plus vif désir de s'allier à nous : il en est digne du reste. Il a fait ses preuves de 1399, et Chérin est très-content de ses titres. Un de ses ancêtres était même allié à la famille royale d'Écosse : de là vient le lion qu'il porte dans ses armes ; c'est fort convenable enfin. C'est lui, du reste, qui a insisté pour que toutes les cérémonies se fissent en son absence. Vous avez eu la bonté d'ordonner la publication des bans, madame ?...

  • av Charles Louandre
    184,-

    " C'est une croyance universelle, et pour ainsi dire une tradition native du genre humain, que l'homme, à l'aide de certaines formules et de certaines pratiques, empruntées tantôt à la religion, tantôt à la science, peut changer les lois éternelles de la nature, soumettre à sa volonté les êtres invisibles, s'élever au-dessus de sa propre faiblesse, et acquérir la connaissance absolue et la puissance sans limites. Ces dons supérieurs auxquels il aspire, il les demande indistinctement aux éléments, aux nombres, aux astres, aux songes, au principe éternel du bien comme au génie du mal, aux anges, à Satan. Égaré par son orgueil, il crée toute une science en dehors de l'observation positive; et, pour régner en maître absolu sur la nature, il outrage à la fois la religion, la raison et les lois. Cette science, c'est la magie, qui se divise, suivant les temps et les lieux, en une infinité de branches: cabale, divination, nécromancie, géomancie, philosophie occulte, philosophie hermétique, astrologie, etc., science empoisonnée dans sa source, qui se résume, au moyen âge, dans la sorcellerie, et qui, toujours maudite, toujours combattue par les lois de l'Église et de la société, reparaît toujours impuissante et convaincue..."

  • av Charles Louandre
    172,-

    ... Jérôme Savonarole naquit à Ferrare, le 21 septembre 1452, d'une famille qui existe encore aujourd'hui. Destiné d'abord à la médecine, il se livrait à l'étude de cette science tout en s'appliquant à la lecture d'Aristote et de saint Thomas, lorsqu'un jour, en se promenant à Faenza, il entra dans une église où prêchait un moine augustin. Quelques paroles du prédicateur le frappèrent vivement; il crut entendre la voix même de Dieu qui le conviait à se faire moine, et dès ce moment il résolut de chercher dans le cloître un repos qu'il ne devait jamais y trouver. Le 23 avril 1475, il quitta furtivement sa famille, en laissant sur sa table de travail un traité du mépris du monde et une lettre par laquelle il expliquait à son père les motifs de sa résolution. Empreinte d'une foi ardente et d'une sombre colère contre la perversité du siècle, tendre, éloquente et triviale tout à la fois, cette lettre fait déjà pressentir le mystique exalté qui ne peut supporter la grande méchanceté de certains peuples d'Italie - et le moine enthousiaste qui craint de voir le diable lui sauter sur les épaules, et qui refuserait de retourner dans le siècle lors même qu'il pourrait y devenir plus grand que César-Auguste. Frère Jérôme, en quittant la maison paternelle, s'était retiré à Bologne, dans un couvent de l'ordre de saint Dominique. Il y remplit pendant un an les fonctions de tailleur et de jardinier, et prit l'habit en 1476. Ces premières années de sa vie claustrale ne sont marquées par aucun incident notable. Comme tous les autres moines, il étudie Aristote, saint Thomas, l'Écriture sainte ; il instruit les novices, il parcourt les villes et les campagnes pour prêcher et pour confesser, sans que rien le fasse encore distinguer, et il attend Jusqu'à l'âge de trente-quatre ans, c'est-à-dire jusqu'à l'année 1486, avant de commencer sa mission prophétique...

  • av Alphonse Karr
    220,-

    " Un des premiers jours du mois de mai, vers trois heures de l'après-midi, une voiture allait quitter une grande route bordée de pommiers, pour s'arrêter devant une petite maison de campagne qui était à gauche de la route, quand les personnes qui étaient dans la voiture ordonnèrent au cocher d'arrêter. Un jeune homme s'approcha de la voiture et salua.- Comment ! vous par ici, Seeburg ? s'écria un homme de quarante ans.- Oui, monsieur Morsy, répondit le jeune homme ; je donne tous les deux jours une leçon à un quart de lieue d'ici. J'ai pris l'avance sur la voiture, et je l'attends au passage. J'ai voulu faire une partie de la route à pied ; le pays est charmant.- Charmant, en effet, dit une grosse dame qui occupait le fond de la voiture avec son mari. - Voyez donc quelle jolie chaumière, dit une belle jeune fille placée sur le devant ; comme ce toit de chaume est couvert d'iris en fleurs !Le jeune homme salua pour permettre à la voiture de continuer sa route..."

  • av Victor Du Bled
    184,-

    Deux traits distinctifs de cette société d'autrefois qui divinisait le plaisir et tomba dans le gouffre avec une si folle et si gracieuse imprévoyance, c'est d'abord la science de la conversation et du monde, perfectionnée par le sentiment des nuances, facilitée par le loisir des grandes existences, par l'influence de plus en plus prépondérante de la femme ; c'est ensuite le goût de la comédie de salon, mis à la mode par quelques princes et seigneurs de haut parage, devenu insensiblement une passion, une fureur universelle, pénétrant tous les ordres de la nation, au point que ce talent fait en quelque sorte partie intégrante de l'éducation, et qu'à certain moment on compte, pour Paris seulement, cent soixante théâtres particuliers. La science de la conversation n'appartient pas en propre au XVIIIe siècle, et le XVIIe siècle nous en fournit les plus excellents modèles ; la comédie d'amateurs au premier abord semble un produit spontané, une découverte du siècle dernier, qui s'est conservée à peu près intacte, à travers bien des écroulements, bien des métamorphoses...

  • av Alphonse Karr
    208,-

    Il s'agit ici une ¿uvre satirique dans laquelle Karr dépeint avec sévérité certains traits de caractères des femmes. Exemple : Lorsque les femmes me choquent, c'est lorsque, cédant à une mode ridicule ou à une idée fausse, elles semblent s'efforcer d'être moins femmes, - c'est lorsqu'elles veulent se dépouiller de quelques-uns de leurs charmes, et s'exposent à perdre de leur précieux empire et de leur chère tyrannie...

  • av Victor Du Bled
    184,-

    La vie théâtrale des comédiens français sous l'ancien régime, les incapacités civiles et religieuses qui pèsent sur eux, les rivalités des grands théâtres, leurs procès contre les troupes foraines, les querelles des acteurs les uns avec les autres, leurs rapports avec les auteurs, le publie et les gentilshommes de la Chambre, ont fait l'objet de mainte étude : ils remplissent les chroniques du XVIIIe siècle, alimentent les conversations autant au moins que la politique étrangère, que les ouvrages de Voltaire, de Montesquieu, de Diderot ou de Jean-Jacques. Le théâtre alors, est, avec l'amour, le souper et la conversation, le plaisir suprême des gens de loisir, à ce point que, vers 1770, on ne comptait pas moins de cent soixante théâtres d'amateurs pour Paris seulement. Pensionnés par le Roi pour se donner au diable, excommuniés s'ils jouent, emprisonnés s'ils refusent de jouer, les comédiens ne rencontrent de tous côtés qu'arbitraire, caprice et préventions injustes...

  • av Victor Du Bled
    184,-

    ... Qu'est-ce alors qu'une patrie ? Tout d'abord elle est une religion, une foi. Et chez les Hébreux, dans l'antiquité égyptienne, grecque et romaine, ailleurs encore, le mot n'est nullement pris au figuré: elle est alors la religion, ou du moins se trouve étroitement liée à celle-ci. Terra patria, la terre des pères, la terre des ancêtres est la partie du sol divinisée par la religion de la famille et celle de la Cité qui groupe dans son enceinte un certain nombre de familles unies par un faisceau de croyances, d'aspirations, de volontés communes. Le terrain au milieu duquel surgissent le foyer domestique et le tombeau des ancêtres, figure la petite patrie ; le prytanée, ses héros, la ville, son territoire consacré par la religion, voilà la grande patrie...

  • av Alphonse Karr
    251,-

    Stephen, jeune homme, romantique, quitte la maison familiale suite à une altercation avec son père qui voulait lui imposer un mariage. Il loue une chambre à M. Müller et se réfugie chez lui. Il tombe amoureux de Magdeleine, la fille de ce dernier... Un récit de poésie et de romantisme...

  • av Alphonse Karr
    245,-

    Richard est un homme heureux et positif, ses fautes mêmes lui réussissent. Maurice, son ami, est un homme du sentiment, que ses bonnes actions mènent à la ruine. Richard profite de son ami, lui enlève la place qu'il sollicitait, s'enrichit pendant que son ami se ruine, et tout cela par un effet si naturel de ses qualités positives. Entre eux, il y a une jeune fille, Hélène, une admirable beauté, que la noblesse de son c¿ur entraîne comme par fatalité dans des infamies qui se succèdent...

  • av Victor Du Bled
    196,-

    Dans tous les temps, dans toute société organisée, on a vu surgir, se succéder une race d'hommes nés satellites, destinés par leur fortune, leur naissance ou leur caractère, à graviter autour des grands et des riches, propres à suivre, à obéir, comme d'autres sont aptes à précéder, à commander ; insinuants et habiles dans le détail des choses, fidèles au patron que le hasard leur a donné ou qu'ils ont choisi comme un paratonnerre contre les surprises de la vie, parfois conseillers excellents et inspirateurs des grandes résolutions, mais contents de demeurer dans la pénombre et désireux de ne pas remplir les rôles éclatants sur la scène du monde. Ils n'ont pas la foi en eux-mêmes, ils n'ont pas la volonté, faculté souveraine qui remplace et souvent annihile toutes les autres ; mais certain penchant vers l'épicuréisme, quelque nonchalance dans l'âme, l'instinct du bonheur, qu'ils savent ne pas devoir rencontrer dans le fracas de la lutte, un scepticisme doux, le scepticisme de Cinéas essayant de dissuader Pyrrhus de conquérir l'univers, tout les détourne des ambitions fortes, les ramène vers un horizon restreint, du moins tranquille...

  • av Victor Du Bled
    172,-

    ... Parmi nos industries pastorales les plus importantes, figure la fabrication du fromage, et en particulier celle du gruyère, qui prospère surtout en Suisse, en Franche-Comté, dans l'Ain, la Savoie et la Haute-Savoie. Sans remonter au déluge, on me permettra de remarquer que, dans tous les temps, les peuples pasteurs ont fabriqué des fromages. Pline, Columelle, Varron assurent que les gourmets de Rome appréciaient les fromages de l'Helvétie, de la Séquanie; les bergers des Géorgiques vendent les leurs à l'ingrate Mantoue ; et c'est avec un fromage des Alpes qu'Antonin le Pieux se donna l'indigestion qui lui coûta la vie ; peut-être même le fromage de Gruyère nous vient-il des Celtes ou anciens Gaulois rejetés par la persécution religieuse des Césars dans les hautes montagnes de la Suisse, d'où il aurait gagné de proche en proche. D'après les anciens chroniqueurs, au XIe, au XIIe siècle, les couvents d'Engelberg, de Muri avaient des droits sur le fromage doux (seracium)...

  • av Victor Du Bled
    184,-

    " Le prince de Ligne a tracé dans ses Mémoires un portrait de ce que l'on appelait en son temps l'homme aimable. L'homme aimable, tel qu'il l'entend, c'est plus que l'honnête homme, c'est l'honnête homme embelli, perfectionné ou achevé par la réunion des dons les plus divers, habile surtout en l'art de se faire valoir, original et un peu précieux, presque aussi rare, si nous l'en voulions croire, qu'un grand général, qu'un grand artiste, ou qu'un homme d'état. On a le droit de supposer qu'en traçant ce portrait le prince de Ligne se regardait lui-même dans son miroir, et ce que l'on peut dire, c'est qu'en tout cas, nul mieux que lui, dans ces années du XVIIIe siècle, où l'ancien régime, avant de disparaître, s'étourdissait de l'éclat de ses dernières élégances. - ne l'a réalisé. C'est sans doute aussi ce qui me permettra d'en reparler..."

  • av Leonid Andreïev
    184,-

    ... La jeune popadia, accourue sur la berge avec la foule, assista au simple et déchirant spectacle de la mort : jamais elle n'oublia les battements de son c¿ur, si sourds et si lents, que chacun d'eux semblait devoir être le dernier ; et la transparence insolite de l'air, où passaient et repassaient les figures familières, mais devenues étrangères en cet instant ; et la confusion singulière des discours, où chaque parole entendue, semble s'arrondir dans l'air, pour fondre et s'effacer ensuite, au milieu des paroles nouvelles.Elle en conçut pour toute sa vie l'épouvante des jours clairs et ensoleillés ; ils faisaient revivre à ses yeux les larges carrures détachées en plein soleil, les pieds nus solidement campés dans les débris de légumes jonchant la berge, l'élan régulier de la barque blanche, où repose, tout au fond, le petit corps fluet et recroquevillé, si proche et déjà si lointain, étranger à jamais...

  • av Jurien de La Gravière
    184,-

    " ... Du moment qu'Alexandre reconnaissait l'infériorité de ses équipages, sa flotte n'était plus pour lui qu'une occasion de dépenses et un embarras. Il n'hésita pas à la dissoudre et ne garda près de lui qu'un petit nombre de navires destinés à porter ses machines de guerre. Le drame macédonien, pour nous servir d'une expression de Plutarque, n'est donc pas un drame que nous puissions nous permettre, quelle qu'en soit notre envie, de transporter exclusivement sur la scène maritime. Le drame macédonien, c'est, avant tout, le triomphe de la cavalerie. Il n'en rentre pas moins dans notre sujet, puisqu'il doit nous conduire au siège de Tyr et au voyage de Néarque.Ce drame, qui devait renouveler la face du monde, s'ouvre brusquement. Les prédécesseurs de Philippe auraient à peine été jugés dignes de tenir l'étrier à Périclès, - je veux dire de l'aider à monter à la perse, car les anciens n'avaient pas d'étriers. - Ce ne fut que par grâce et par une sorte de condescendance bienveillante que l'on admit les premiers rois de la Macédoine aux jeux Olympiques..."

  • av Jurien de La Gravière
    172,-

    "... Pour sauver notre marine d'une ruine totale, il fut heureux que tant de leçons nous eussent enfin obligés à comprendre le danger des armements précipités et des levées en masse appliquées à la guerre maritime. Après Trafalgar et Santo-Domingo, il fallut bien s'avouer que, dans des combats d'artillerie, ni l'élan du courage, ni l'exaltation la plus héroïque, ne peuvent tenir lieu de la précision et de la rapidité du tir, et que de toutes les combinaisons de la tactique, la plus sûre pour un amiral est de réunir sous ses ordres une escadre dont chaque vaisseau puisse faire son devoir. Quant à l'empereur, dont le coup d'¿il d'aigle traçait pour nos flottes des plans de campagne, comme il en traçait pour ses armées, ces revers imprévus fatiguèrent son génie et lassèrent sa constance : il détourna ses yeux du seul champ de bataille où la fortune lui eût été infidèle, et, décidé à poursuivre l'Angleterre ailleurs que sur les mers, il entreprit de recomposer sa marine, mais sans lui réserver aucune part active dans cette lutte devenue plus acharnée que jamais..."

  • av Jurien de La Gravière
    172,-

    " Avec l'année 1809 s'ouvre une nouvelle phase dans les opérations navales dont les mers de l'Inde sont le théâtre. Nous prenons tout à coup l'ascendant, un incontestable ascendant, sur l'ennemi. Ce résultat est dû à trois capitaines : Duperré, Bouvet et Hamelin. Le commodore Rowley rétablit peu à peu, par sa prudence, par son activité, par son énergie, la situation que des officiers téméraires ont compromise d'une façon qui semble irrémédiable. L'honneur de la marine anglaise, dans cette période, est sauf : la gloire de la marine française n'en est que plus grande. J'ai eu le très appréciable avantage, quand j'étais enseigne de vaisseau, d'être présenté à l'amiral Rowley, commandant de l'escadre de la Méditerranée après le départ de l'amiral Malcolm. Le capitaine Lalande voulut bien m'expliquer, à cette occasion, les motifs qui lui faisaient tenir en si haute estime les services de l'officier-général devant lequel il inclinait respectueusement sa renommée naissante. Je n'hésite jamais à rendre justice à nos anciens ennemis : l'histoire ne doit pas être faite de patriotisme, mais de vérité..."

  • av Jurien de La Gravière
    251,-

    "... Qu'était donc devenue, en ces temps tout remplis du bruit de nos armes, cette marine que Suffren et d'Estaing, de Guichen et de Grasse lui-même avaient faite si glorieuse, qui avait grandi au milieu d'une guerre acharnée comme au sein d'une paix féconde, et que l'antique monarchie française regardait, depuis Louis XIV, comme l'un de ses plus fermes boulevards ? Par quelle fatalité, de cet établissement naval, si récemment encore l'orgueil de la France et l'envie de l'Europe, ne restait-il plus en 1803 qu'un édifice chancelant et miné à la base, dont l'empire allait voir s'écrouler les derniers débris ? Les événements qui préparèrent la ruine de notre marine peuvent se partager en trois faisceaux distincts et se grouper pour ainsi dire autour de certains noms. Les combats de lord Howe et de lord Hood, des amiraux Hotham et Bridport, forment le premier acte de ce drame sanglant, et vont se rattacher à la guerre de l'indépendance américaine, dont ils continuent les traditions stratégiques. C'est le temps où la marine française se décompose lentement sous l'action incessante d'un mal intérieur. La seconde période appartient sans contestation à lord Jervis. Cet amiral remporte sur nos alliés une grande et opportune victoire..."

  • av Victor Cousin
    184,-

    " ... Mme de Chevreuse en effet a possédé presque toutes les qualités du grand politique ; une seule lui a manqué, et celle-là précisément sans laquelle toutes les autres tournent en ruine : elle ne savait pas se proposer un juste but, ou plutôt elle ne choisissait pas elle-même ; c'était un autre qui choisissait pour elle. Mme de Chevreuse était femme au plus haut degré ; c'était là sa force et aussi sa faiblesse. Son premier ressort était l'amour ou plutôt la galanterie, et l'intérêt de celui qu'elle aimait lui devenait son principal objet. Voilà ce qui explique les prodiges de sagacité, de finesse et d'énergie qu'elle a déployés en vain à la poursuite d'un but chimérique qui reculait toujours devant elle, et semblait l'attirer par le prestige même de la difficulté et du péril. La Rochefoucauld l'accuse d'avoir porté malheur à tous ceux qu'elle a aimés ; il est aussi vrai de dire que tous ceux qu'elle a aimés l'ont précipitée à leur suite dans des entreprises insensées..."

  • av Victor Cousin
    172,-

    " Ici même, il y a quelques mois, nous avons combattu le scepticisme dans son représentant le plus redoutable. Nous allons aujourd'hui porter nos études sur une autre plaie de l'esprit humain, sur un mal en apparence moins fâcheux que le scepticisme, mais qui, au fond, n'est pas moins dangereux.Il nous importe d'autant plus de rompre ouvertement avec le mysticisme qu'il semble nous toucher de plus près, et que par un air de grandeur il peut séduire plus d'une âme d'élite, particulièrement à l'une de ces époques de lassitude, où, à la suite d'espérances excessives cruellement déçues, la raison humaine, ayant perdu la foi en sa propre puissance sans pouvoir perdre le besoin de Dieu, pour satisfaire ce besoin immortel, s'adresse à tout excepté à elle-même, et, faute de savoir s'élever à Dieu par la route légitime et dans la mesure qui lui a été permise, se jette hors du sens commun, et tente le nouveau, le chimérique, l'absurde même, pour atteindre à l'impossible..."

  • av Guillaume Lejean
    184,-

    Nos lecteurs n'ont peut-être pas oublié le tableau que nous avons tracé, il y a trois ans, des événements qui avaient signalé à l'attention de l'Europe le pays semi-légendaire de l'Abyssinie. Dans ces rapides esquisses, nous exposions les origines d'un conflit qui ne semblait pas alors appelé à prendre les graves proportions qu'il a aujourd'hui. Quels que fussent les motifs réels de l'arrestation arbitraire du consul anglais, M. Duncan Cameron, il paraissait improbable que Théodore II, avec l'intelligence supérieure qu'on ne peut lui contester, songeât sérieusement à provoquer une lutte où il n'avait rien à gagner, et où ses puissants ennemis pouvaient compter sur le concours de la moitié de l'Abyssinie, insurgée depuis plus de cinq ans. Cependant l'improbable s'est réalisé : aux premières provocations du roi des rois est venu s'ajouter le fait plus grave de l'arrestation, sans motif connu, de la mission anglaise chargée de négocier la délivrance des captifs...

  • av Guillaume Lejean
    172,-

    " On sait que l'Abyssinie est un vaste plateau dont la pointe la plus avancée vers le nord surplombe le sahel ou littoral de la Mer-Rouge d'une hauteur de près de sept mille pieds. A quelques lieues de ce plateau s'élève sur un îlot madréporique la petite ville de Massouah, exposée à toutes les influences d'une température énergiquement caractérisée par ce proverbe anglo-indien : Pondichéry est un bain chaud, Aden une fournaise, Massouah l'enfer. -Malgré sa fâcheuse réputation au point de vue du climat, cette ville de huit mille âmes n'en jouit pas moins comme centre commercial d'une célébrité toute particulière en Égypte aussi bien qu'en Abyssinie ; elle la doit à son port, le plus animé, le plus important de la Mer-Rouge après celui de Djeddah. Massouah mérite aussi à un autre titre d'attirer l'attention du voyageur. La région de huit lieues d'étendue qui forme en face de l'îlot où elle s'élève les rampes inférieures du plateau abyssin est occupée par trois ou quatre tribus qui peuvent compter parmi les populations les plus originales de cette partie de l'Orient. Divisées en trois grandes fractions, - les Bogos, les Halhal et les Menza, - et possédant une cinquantaine de villages, ces tribus, restées indépendantes entré l'Égypte et l'Abyssinie, et qui forment des républiques pastorales régies par des institutions assez analogues à celles des primitives sociétés italiques, appellent par une touchante illusion d'amour-propre national leur pays le Sennaheit, c'est-à-dire le beau pays, le pays par excellence..."

  • av Victor Cousin
    184,-

    " ... Je suis né avec la révolution française. Dès que mes yeux se sont ouverts, j'ai vu flotter son drapeau, tour à tour sombre et glorieux. J'ai appris, à lire dans ses chansons : ses fêtes ont été celles de mon enfance. À dix ans, je savais les noms de ses héros. J'entends encore au Champ de Mars et, sur la place Vendôme les éloges funèbres de Marceau, de Hoche, de Kléber, de Desaix. J'assiste aux revues du premier-consul. Je vois ce grand visage pâle et mélancolique, si différent de la figure impériale, telle surtout, qu'elle m'apparut une dernière fois sur la terrasse de l'Élysée, à la fin des cent-jours. Mon instinct patriotique ne s'est pas laissé un moment surprendre à l'éclat d'une dictature militaire que je ne comprenais pas. Je n'ai compris, je n'ai aimé que les conquêtes de la liberté. En 1812, j'étais déjà suspect dans l'Université d'un attachement, mal dissimulé à sa cause proscrite, et j'y suis demeuré fidèle parmi les vicissitudes d'une vie souvent orageuse. Je m'honore d'avoir été dans tous mes ouvrages, depuis le premier jusqu'au dernier, dans la chaire comme à la tribune, son interprète, modéré, mais inébranlable. Ma philosophie même n'a guère été que la réflexion appliquée à ses instincts et le résumé de ses maximes..."

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