Om À la mer
" Tout le long du trajet, Albert fut maussade. Pourtant, l'idée qu'il allait connaître l'Océan, courir les grèves, oublier pendant deux mois le lycée, le ravissait. Mais, avec la vanité ridicule et l'égoïsme maladif de ses quinze ans, il se sentait mal à l'aise, dans le wagon, s'imaginant que chacun fixait les yeux sur lui. Un vieillard à lunettes lui jetait, de temps à autre, un regard bleu et froid. Albert se persuadait qu'un col trop étroit, qu'on lui avait imposé, attirait ainsi l'attention ; humilié, boudant de ce qu'il lui faudrait user cette douzaine de cols encore neufs, il en voulait à sa mère, et, pour bien lui marquer son mécontentement, il haussait le menton, se démanchait le cou, risquait une grimace douloureuse. Cette tactique n'obtenant aucun succès, et Mme Janville regardant obstinément défiler la campagne, derrière la vitre, avec ce visage ferme et résigné des veuves auxquelles la vie n'est pas toujours facile, et qui n'élèvent pas un fils unique sans tiraillements ni souffrances, Albert se composa une expression d'amertume et de dédain, la bouche à la Bonaparte, le front inspiré, de l'air de quelqu'un qui regarde de haut l'univers et scrute l'avenir. Ah ! comme il porterait des faux cols à son goût, quand il aurait atteint sa majorité..."
Vis mer