Om ARLEQUIN POLI PAR L'AMOUR
TRIVELIN, à la fée, qui soupire : Vous soupirez, madame ; et, malheureusement pour vous, vous risquez de soupirer longtemps, si votre raison n'y met ordre. Me permettez-vous de vous dire ici mon sentiment ?
LA FÉE : Parle.
TRIVELIN : Le jeune homme que vous avez enlevé à ses parents est un beau brun, bien fait ; c'est la figure la plus charmante du monde. Il dormait dans un bois quand vous le vîtes, et c'était assurément voir l'Amour endormi. Je ne suis donc point surpris du penchant subit qui vous a prise pour lui.
LA FÉE : Est-il rien de plus naturel que d'aimer ce qui est aimable ?
TRIVELIN : Oh ! sans doute ; cependant, avant cette aventure, vous aimiez assez le grand enchanteur Merlin. LA FÉE : Eh bien ! l'un me fait oublier l'autre ; cela est encore fort naturel. TRIVELIN : C'est la pure nature ; mais il reste une petite observation à faire ; c'est que vous enlevez le jeune homme endormi, quand peu de jours après vous allez épouser le même Merlin qui en a votre parole. Oh ! cela devient sérieux ; et, entre nous, c'est prendre la nature un peu trop à la lettre. Cependant, passe encore ; le pis qu'il en pouvait arriver, c'était d'être infidèle ; cela serait très vilain dans un homme ; mais dans une femme, cela est plus supportable. Quand une femme est fidèle, on l'admire ; mais il y a des femmes modestes qui n'ont pas la vanité de vouloir être admirées. Vous êtes de celles-là ; moins de gloire, et plus de plaisir ; à la bonne heure !
Vis mer