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Om Ceux de la glèbe

Et l¿homme parti, elle traînait son ventre dans la maison encore vide d¿enfant. C¿était la première fois qüelle sentait remuer en elle la semence d¿amour. Ils s¿étaient mariés au dernier Saint-André, lui, grand, fort, râblé, le front doux, le geste bourru, le c¿ur vaillant, toujours à la peine ; elle, petite femme mamelue et saine, largement plantée sur ses pieds. La noce avait duré deux jours, l¿un qüon avait passé chez les parents de Tys, l¿autre chez les parents de Ka. Et enfin la troisième nuit, ils avaient couché dans leur maison, deux chambres en bas, le long de la route, et un grenier sous le toit. Puis, le lendemain, un lundi, Tys avait noué dans un drap de serge quatre pains de deux livres ; il avait embrassé sa conjointe sur les joues et dans le cou ; debout sur le seuil, elle l¿avait suivi des yeux, marchant à grandes enjambées dans la campagne. Le samedi soir, ensuite, comme elle regardait au loin, une main sur les yeux, elle avait aperçu, par delà les dernières maisons, son homme qui allait à pas rapides ; et un nuage montait droit derrière lui, dans le soleil bas à l¿horizon. Et il était resté dans la chaleur de son giron deux nuits et un jour ; et de nouveau, ensuite, il avait tassé ses quatre pains dans le drap de serge ; et il avait marché vers la ville. Il en avait été ainsi de chaque semaine, pendant des mois. Du lundi au jeudi, la fumée de sa pipe cessait d¿obscurcir le plafond ; elle regardait dans ses habits pendus au crochet l¿homme qüil y avait laissé en partant ; et en même temps, dolente, les mains sur les genoux, elle le sentait bouger dans son flanc, vivant à travers l¿enfant. D¿abord cette existence avait pesé lourdement sur Ka ; le vide des longues après-midi, dans le silence des chambres, lui élargissait un trou au c¿ur, vaste comme les puits ; et tout au fond, toujours une forme vague s¿y mouvait comme un mort qui, ressuscité, travaillerait en sa fosse. Même la nuit, en des songes bourrelés, elle distinguait deux mains qui fouillaient la terre, à des profondeurs immenses ; et tout à coup ces mains se levaient avec un geste de détresse, et une montagne croulait ensuite, sous laquelle elle cessait d¿apercevoir les mains. Alors elle se réveillait en sursaut, froide de sueur, et jusqüau matin priait à genoux devant la petite Vierge dont l¿image décorait le manteau de l¿âtre. Et la journée du lendemain passait sans qüelle osât mettre le pied dehors, de peur de tomber sur quelqüun qui, venu de la ville, lui annoncerait son malheur. Les autres femmes lui faisaient envie : elles avaient des hommes, celles-là, qui tout l¿an demeuraient dans la maison ; au contraire, le sien gagnait durement son pain en creusant des puits ; de pleines journées, il restait sous la terre, bâtissant ses cuvelages, descendant toujours plus avant, emplissant des seaux qui ensuite remontaient, balancés dans le vide au-dessus de lui ; les épaules mortifiées par les eaux du sous-sol, ayant quelquefois de la boue jusqüaux reins, avec les parois toutes droites du puits qui, en haut, semblait se rétrécir pour se fermer sur sa tête, il apercevait du ciel seulement une petite tache grise où par moment un visage se penchait et lui parlait ; et sorti des ténèbres, ses douze heures finies, il ne savait pas tout de suite se refaire les yeux à la lumière de la rue.

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  • Språk:
  • Fransk
  • ISBN:
  • 9791041916306
  • Bindende:
  • Paperback
  • Sider:
  • 132
  • Utgitt:
  • 13. februar 2023
  • Dimensjoner:
  • 170x8x220 mm.
  • Vekt:
  • 218 g.
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Beskrivelse av Ceux de la glèbe

Et l¿homme parti, elle traînait son ventre dans la maison encore vide d¿enfant. C¿était la première fois qüelle sentait remuer en elle la semence d¿amour. Ils s¿étaient mariés au dernier Saint-André, lui, grand, fort, râblé, le front doux, le geste bourru, le c¿ur vaillant, toujours à la peine ; elle, petite femme mamelue et saine, largement plantée sur ses pieds. La noce avait duré deux jours, l¿un qüon avait passé chez les parents de Tys, l¿autre chez les parents de Ka. Et enfin la troisième nuit, ils avaient couché dans leur maison, deux chambres en bas, le long de la route, et un grenier sous le toit. Puis, le lendemain, un lundi, Tys avait noué dans un drap de serge quatre pains de deux livres ; il avait embrassé sa conjointe sur les joues et dans le cou ; debout sur le seuil, elle l¿avait suivi des yeux, marchant à grandes enjambées dans la campagne. Le samedi soir, ensuite, comme elle regardait au loin, une main sur les yeux, elle avait aperçu, par delà les dernières maisons, son homme qui allait à pas rapides ; et un nuage montait droit derrière lui, dans le soleil bas à l¿horizon. Et il était resté dans la chaleur de son giron deux nuits et un jour ; et de nouveau, ensuite, il avait tassé ses quatre pains dans le drap de serge ; et il avait marché vers la ville.
Il en avait été ainsi de chaque semaine, pendant des mois. Du lundi au jeudi, la fumée de sa pipe cessait d¿obscurcir le plafond ; elle regardait dans ses habits pendus au crochet l¿homme qüil y avait laissé en partant ; et en même temps, dolente, les mains sur les genoux, elle le sentait bouger dans son flanc, vivant à travers l¿enfant.
D¿abord cette existence avait pesé lourdement sur Ka ; le vide des longues après-midi, dans le silence des chambres, lui élargissait un trou au c¿ur, vaste comme les puits ; et tout au fond, toujours une forme vague s¿y mouvait comme un mort qui, ressuscité, travaillerait en sa fosse. Même la nuit, en des songes bourrelés, elle distinguait deux mains qui fouillaient la terre, à des profondeurs immenses ; et tout à coup ces mains se levaient avec un geste de détresse, et une montagne croulait ensuite, sous laquelle elle cessait d¿apercevoir les mains. Alors elle se réveillait en sursaut, froide de sueur, et jusqüau matin priait à genoux devant la petite Vierge dont l¿image décorait le manteau de l¿âtre. Et la journée du lendemain passait sans qüelle osât mettre le pied dehors, de peur de tomber sur quelqüun qui, venu de la ville, lui annoncerait son malheur.
Les autres femmes lui faisaient envie : elles avaient des hommes, celles-là, qui tout l¿an demeuraient dans la maison ; au contraire, le sien gagnait durement son pain en creusant des puits ; de pleines journées, il restait sous la terre, bâtissant ses cuvelages, descendant toujours plus avant, emplissant des seaux qui ensuite remontaient, balancés dans le vide au-dessus de lui ; les épaules mortifiées par les eaux du sous-sol, ayant quelquefois de la boue jusqüaux reins, avec les parois toutes droites du puits qui, en haut, semblait se rétrécir pour se fermer sur sa tête, il apercevait du ciel seulement une petite tache grise où par moment un visage se penchait et lui parlait ; et sorti des ténèbres, ses douze heures finies, il ne savait pas tout de suite se refaire les yeux à la lumière de la rue.

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