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A travers 42 chapitres, représentant le même nombre de jours de détention du jeune officier qui nous narre l'histoire, ce dernier prend à parti le lecteur et lui propose d'entrée de jeu de l'amener dans son "aventure". Il s'agit ici d'une aventure physique, mais ce roman montre aussi toute la puissance de l'imagination, et de l'âme sur le corps physique.
L'Expédition nocturne autour de ma chambre est la suite du fameux "Voyage autour de ma chambre". Jules Clarétie résume cet opuscule comme suit: Il est plus court encore que le premier. Il est d'une allure plus ferme et marque plus de maturité dans les idées. C'est un rare exemple en littérature d'une suite ajoutée à un livre sans le gâter.
" ...Personne ne contestait l'importance de ce rapprochement. Le génie pénétrant de Volta pouvait y apercevoir les bases d'une entière conviction; le commun des physiciens devait demander des preuves plus explicites. Ces preuves, ces démonstrations incontestables devant lesquelles toute opposition s'évanouit, Volta les trouva dans une expérience capitale que je puis expliquer en peu de lignes.On applique exactement face à face, et sans intermédiaire, deux disques polis de cuivre et de zinc attachés à des manches isolants. À l'aide de ces mêmes manches, on sépare ensuite les disques d'une manière brusque ; finalement on les présente, l'un après l'autre, au condensateur ordinaire armé d'un électromètre : eh bien ! les pailles divergent à l'instant. Les moyens connus montrent d'ailleurs que les deux métaux sont dans des états électriques contraires ; que le zinc est positif et le cuivre négatif. En renouvelant plusieurs fois le contact des deux disques, leur séparation et l'attouchement de l'un d'eux avec le condensateur, Volta arriva, comme avec une machine ordinaire, à produire de vives étincelles..."
" ...Lorsque Fresnel publia pour la première fois ce fait inattendu, il ne l'avait encore vérifié qu'à l'aide d'une méthode indirecte, remarquable par l'étrange circonstance que la réfraction des rayons se déduit d'expériences dans lesquelles aucune réfraction ne s'est opérée. Aussi notre confrère trouva-t-il plus d'un incrédule. La singularité de la découverte commandait peut-être quelque réserve ; peut-être aussi, aux yeux de diverses personnes, avait-elle, comme l'ancienne loi d'Huygens, le tort d'être le fruit d'une hypothèse ! Quoi qu'il en soit, Fresnel aborda la difficulté de front. En montrant dans un parallélépipède de topaze formé de deux prismes de même angle adossés, qu'aucun rayon ne passait entre deux faces opposées et parallèles sans être dévié, il rendit toute objection inutile..."
" Le maréchal de Saxe racontait les hauts faits de Chevert, dans la grande galerie de Versailles, au milieu d'un groupe d'officiers et de courtisans. Tout à coup un de ses auditeurs l'interrompit en ces termes: Monsieur le maréchal, la chaleur de vos éloges nous autorise à penser que l'histoire de Chevert ne vous est pas complétement connue ; vous ignorez, sans doute, que cet officier est le fils du bedeau de la plus modeste église de Verdun ? - Vraiment ? s'écria le héros de Fontenoy, Chevert avait toute mon estime ; à partir de ce moment je lui devrai de la vénération. C'est aussi jusqu'à la vénération que je désirerais porter les sentiments de cette assemblée pour le confrère dont je vais tracer la biographie. Je dirai donc, sans autre préambule, que Jacques Monge, le père de l'illustre académicien, était un marchand ambulant, et que, dans ses courses autour de la ville de Beaune, il ne dédaignait pas d'aiguiser les couteaux, les ciseaux des ménagères bourguignonnes..."
" Je n'ai pas la sotte vanité de m'imaginer que quelqu'un, dans un avenir même peu éloigné, aura la curiosité de rechercher comment ma première éducation s'est faite, comment mon intelligence s'est développée ; mais des biographes improvisés et sans mission, ayant donné à ce sujet des détails complètement inexacts, et qui impliqueraient la négligence de mes parents, je me crois obligé de les rectifier..."
...Condorcet n'a pas été un académicien ordinaire, voué aux seuls travaux de cabinet ; un philosophe spéculatif, un citoyen sans entrailles ; les coteries littéraires, économiques, politiques, se sont emparées depuis longtemps de sa vie, de ses actes publics et privés, de ses ouvrages. Personne n'a eu plus à souffrir de la légèreté, de la jalousie et du fanatisme, ces trois redoutables fléaux des réputations. En traçant un portrait que je me suis efforcé de rendre ressemblant, je ne pouvais avoir la prétention d'être cru sur parole. Si pour chaque trait caractéristique je m'étais borné à réunir, à conserver soigneusement pour moi seul, tout ce qui établissait la vérité de mes impressions, je n'aurais pas fait assez : il fallait mettre le public à même de prononcer en connaissance de cause entre la plupart de mes prédécesseurs et moi ; il fallait donc combattre, visière levée, les vues fausses, mensongères, passionnées de ceux qui, d'après ma conviction intime, n'ont rien saisi de vrai et d'exact dans la grande, dans la majestueuse figure de Condorcet...
" ...La révolution française jeta aussi le savant géomètre dont je dois aujourd'hui célébrer les découvertes, bien loin de la route que le sort paraissait lui avoir tracée. Dans des temps ordinaires, c'est de dom Joseph Fourier que le secrétaire de l'Académie aurait dû vous entretenir ; c'est la vie tranquille et retirée d'un bénédictin qu'il eût déroulée devant vous. La vie de notre confrère sera au contraire, agitée et pleine de périls ; elle se passera dans les dangereux combats du forum ; au milieu des hasards de la guerre, en proie à tous les soucis d'une administration difficile. Cette vie, nous la trouverons étroitement enlacée aux plus grands événements de notre époque. Hâtons-nous d'ajouter qu'elle sera toujours digne, honorable, et que les qualités personnelles du savant rehausseront l'éclat de ses découvertes..."
...À mesure que les sciences faisaient des progrès, l'ancien cadre des Éloges académiques devait s'élargir, et il s'est, en effet, graduellement élargi. Arrivés, enfin, à une époque où la foule se porte aux excellentes leçons de sciences mathématiques ou de sciences naturelles dont nos vastes amphithéâtres retentissent journellement, les secrétaires de l'Académie ont dû croire qu'il était temps de s'affranchir des sacrifices que s'imposaient leurs illustres prédécesseurs ; que, désormais, on pourrait ici, en séance publique, parler des travaux de nos confrères, comme le feront un jour les historiens de la science. Cette voie nouvelle a déjà reçu plusieurs fois votre bienveillante approbation. L'idée d'y renoncer ne s'était pas même présentée à mon esprit ; et cependant, avec un peu de prévoyance, quand M. Ampère nous fut enlevé, j'aurais dû songer qu'il ne me serait pas possible d'examiner ses travaux, de faire l'analyse d'une véritable encyclopédie, sans sortir des bornes habituelles de nos Éloges.
" ...Young fit choix de la carrière de la médecine, dans laquelle il espérait trouver la fortune et l'indépendance. Ses études médicales commencèrent à Londres sous Baillie et Cruickshank ; il les continua à Édimbourg, où brillaient alors les docteurs Black, Munro et Gregory ; mais ce fut seulement à G¿ttingue que, dans l'année suivante (1795), il prit son grade de docteur. Avant de se soumettre à cette formalité si vaine, et, toutefois, si impérieusement exigée, Young, à peine sorti de l'adolescence, s'était déjà révélé au monde scientifique par une note relative à la gomme Ladanum ; par la polémique qu'il avait soutenue contre le docteur Beddoës au sujet de la théorie de Crawford sur le calorique ; par un mémoire concernant les habitudes des araignées et le système de Fabricius, le tout enrichi de recherches d'érudition ; enfin, par un travail sur lequel j'insisterai davantage à cause de son grand mérite, de la faveur inusitée dont il fut l'objet en naissant, et de l'oubli dans lequel on l'a laissé depuis..."
Une petite histoire de conversion aux m¿urs inconnues. En effet il est bien difficile de s'intégrer dans une nouvelle culture pour un jeune qui revient de campagne et qui se retrouve dans une grande ville, hé bien, à ce moment il dévient un dangereux jeune homme...
...Cette vie, toute patriarcale, vouée au travail à l'étude, à la méditation, ne nous offrira aucun de ces événements piquants dont le récit, jeté avec un peu d'art au milieu des détails de la science, en tempère la gravité. Je la raconterai cependant, ne fût-ce que pour montrer dans quelle humble condition s'élaboraient des projets destinés à porter la nation britannique à un degré de puissance inouï ; j'essaierai surtout de caractériser avec une minutieuse exactitude, les inventions fécondes qui lient à jamais le nom de Watt à celui de machine à vapeur. Je connais parfaitement les écueils de ce plan ; je prévois qu'on pourra dire, en sortant d'ici : Nous attendions un éloge historique, et nous venons d'assister à une leçon sèche et aride. Le reproche, au surplus, me paraîtrait peu grave, si la leçon avait été comprise. Je ferai donc tous mes efforts pour ne pas fatiguer votre attention ; je me rappellerai que la clarté est la politesse de ceux qui parlent en public...
Il s'agit ici d'une histoire amusante (satire des goûts peu exigeants des lecteurs de l'époque) : Un jeune ménage rêvait à une maison de campagne.C'était, bien entendu, un jeune ménage parisien, ou du moins digne d'être ainsi qualifié, puisqu'il habitait rue Henri-Martin, dans le XVIe arrondissement, un tout petit appartement, il est vrai, et bien que la jeune femme fût de Granville et le mari d'Issoudun. Mais en trois ans d'application acharnée, monsieur et madame Jérôme Jeton s'étaient fait ce que l'on appelle des relations, et Jérôme Jeton se déclarait homme de lettres. [...] Jérôme Jeton reçut une lettre de M. le Directeur du Bonheur à cinq sous, un de ces magazines illustrés qui ont conquis la faveur du public et répandent aux quatre coins du monde la pensée des plus grands savants et l'imagination des écrivains les plus notoires.
Ce roman d'amour (1895) est sûrement inspiré d'une aventure platonique vécue. Il raconte les sensations et les sentiments amoureux d'André, très cultivé, artiste délicat et de Marie, jeune fille de 18 ans, très fine et passionnée. Nombreux échanges épistolaires... Promenades dans les sites enchanteurs de Venise et de Florence dont Sainte Marie des Fleurs est la cathédrale, lieu de la première rencontre des amants. Hélas, in fine, l'amour ne donne pas le bonheur...
Ce livre est un conte original qui part d'un monde moyenâgeux, soumis à l'Inquisition, sans liberté de pensée pour aboutir au monde de demain que Boylesve voit se dessiner. Le carrosse aux lézards verts représente la possibilité de se déplacer rapidement et ainsi d'effacer les différences dans le monde, grâce à la magnificence des fées...
C'est à la fin de l'année 1928 qu'Eugène Dabit, alors jeune écrivain, écrivit L'Aventure de Pierre Sermondade qui relate, sous forme romancée, sa première rencontre avec André Gide où il lui présenta le roman qui devint, après plusieurs réécritures, Petit Louis, publié chez Gallimard en 1930.
Les amis de la liberté politique sont tristes, et les raisons ne manquent pas à leur tristesse. Peut-être m'est-il permis de dire que j'aurais, plus que personne, quelque droit de m'y abandonner : je suis tombé avec les institutions et le régime que nous regardions comme le témoignage et le gage de la liberté politique; mais, en trouvant la tristesse légitime, je la trouve excessive et injuste envers notre temps et notre patrie. Je ne crois pas que la France ait renoncé à aucune de ses généreuses ambitions, ni qu'elle ait perdu tout moyen de les satisfaire, J'ai confiance dans l'avenir de mon pays et de la liberté politique de mon pays.Je ne me fais point d'illusion. Parmi les amis de la liberté politique, beaucoup sont découragés, et ne recommenceraient pas volontiers des efforts et des luttes ont ils n'espèrent plus la victoire. D'autres ont reporté sur le régime impérial leurs espérances, et s'en promettent, dans l'avenir, les satisfactions libérales qu'ils croient nécessaires ou possibles. Le public assiste, avec une indifférence sceptique, aux regrets languissants des uns et aux lointaines espérances des autres, uniquement préoccupé des intérêts de la vie civile et de son repos après tant d'orages...
"... Moment désespéré. À l'Empire effondré le 4 septembre dans le sang des désastres de Reischoffen, de Gravelotte, de Sedan, avait succédé le gouvernement de la Défense nationale. L'Empire s'était abattu d'un seul coup, tombant de lui-même, au milieu de la lassitude unanime. Il avait suffi que la foule poussât la grille du Corps législatif, envahît la salle. Et aussitôt la Chambre, qui n'avait pas su proclamer à temps la déchéance et se saisir du pouvoir légal, de disparaître, le ministère de se dissoudre, l'impératrice de fuir. Elle quittait les Tuileries brusquement désertes, gagnait à travers les corridors du Louvre la porte basse de l'exil. Quant au Sénat, il s'était évanoui comme une ombre. Nulle révolution qui se fût accomplie avec moins de violence ; on eût dit le cours naturel du Destin. La France se réveillait aux mains connues d'Arago, de Crémieux, de Garnier-Pagès, de Favre, doublés de politiques nouveaux, Pelletan, Ferry, Gambetta, Rochefort, qui avaient grandi pendant ce sommeil de dix-huit ans. Le déclin de 70 rejoignait l'aube de 48. La République renaissait..."
" ...Mme Récamier entra dans le monde à une époque triste et impure, sous le régime du directoire, c'est-à-dire des conventionnels après le règne et la chute de la convention, républicains sans foi, révolutionnaires décriés, lassés et corrompus, mais point éclairés ni résignés, exclusivement préoccupés de leur propre sort, se sentant mourir et prêts à tout faire pour vivre encore quelques jours, des crimes ou des bassesses, la guerre ou la paix, ardens à s'enrichir et à se divertir, avides, prodigues et licencieux, et se figurant qu'avec l'échafaud de moins, un laisser-aller cynique et des fêtes interrompues au besoin par des violences, ils détourneraient la France renaissante de leur demander compte de leurs hontes et de ses destinées. Les désordres et les périls de la révolution avaient mis la famille de Mme Récamier en rapport avec quelques-uns des hommes importans de ce régime : Barrère venait chez ses parens, elle allait quelquefois aux fêtes de Barras. Sa nièce prend avec raison grand soin de dire qu'elle resta tout à fait étrangère au monde du directoire, surtout aux femmes qui en étaient les héroïnes. Pour une nature élevée, fine et honnête comme la sienne, c'était bien assez que les nécessités du temps lui en fissent entrevoir les hommes..."
" Tout le long du trajet, Albert fut maussade. Pourtant, l'idée qu'il allait connaître l'Océan, courir les grèves, oublier pendant deux mois le lycée, le ravissait. Mais, avec la vanité ridicule et l'égoïsme maladif de ses quinze ans, il se sentait mal à l'aise, dans le wagon, s'imaginant que chacun fixait les yeux sur lui. Un vieillard à lunettes lui jetait, de temps à autre, un regard bleu et froid. Albert se persuadait qu'un col trop étroit, qu'on lui avait imposé, attirait ainsi l'attention ; humilié, boudant de ce qu'il lui faudrait user cette douzaine de cols encore neufs, il en voulait à sa mère, et, pour bien lui marquer son mécontentement, il haussait le menton, se démanchait le cou, risquait une grimace douloureuse. Cette tactique n'obtenant aucun succès, et Mme Janville regardant obstinément défiler la campagne, derrière la vitre, avec ce visage ferme et résigné des veuves auxquelles la vie n'est pas toujours facile, et qui n'élèvent pas un fils unique sans tiraillements ni souffrances, Albert se composa une expression d'amertume et de dédain, la bouche à la Bonaparte, le front inspiré, de l'air de quelqu'un qui regarde de haut l'univers et scrute l'avenir. Ah ! comme il porterait des faux cols à son goût, quand il aurait atteint sa majorité..."
" ...J'ai passé trente-quatre ans de ma vie à lutter, dans une bruyante arène, pour l'établissement de la liberté politique et le maintien de l'ordre selon la loi. J'ai appris, dans les travaux et les épreuves de cette lutte, ce que valent la foi et la liberté chrétiennes. Dieu permet que, dans le repos de ma retraite, je consacre à leur cause ce qu'il me conserve encore de jours et de force. C'est la plus salutaire faveur et le plus grand honneur que sa bonté me puisse accorder..."
"...Il se sentait attiré, plus particulièrement, vers la personne de l'Empereur. L'Impératrice l'avait fasciné; mais elle demeurait la souveraine, un être hors race, où la femme disparaissait dans la splendeur du rang. L'Empereur lui apparaissait plus humain. Il eût voulu prévenir un de ses ordres, le secourir dans le danger. Le beau nom de Napoléon avait exercé, sur son enfance, un pouvoir irrésistible, et derrière le César d'aujourd'hui, il apercevait le profil lauré de l'autre. Dominant un prodigieux fracas de batailles, l'Ombre épique surgissait. Et c'étaient une curée de royaumes, des champs pleins de cris et de fumée, Iéna, Austerlitz, Marengo, l'encens des Te Deum, la pourpre, les abeilles d'or, - puis la retraite blanche de Russie, l'île d'Elbe, le ressaut de l'Aigle volant de clochers en clochers jusque sur les tours de Notre-Dame, et pour finir, le plus tragique écroulement qui fût au monde... Waterloo, Sainte-Hélène, ces mots à prolongement infini, vibrèrent un moment dans son âme ; et malgré la chaude et lumineuse atmosphère, au milieu des femmes en toilette, des uniformes chamarrés, devant la nuit de fleurs et d'étoiles, la même singulière tristesse le pénétrait..."
" Un sérieux et habile philosophe, l'un des premiers naguère parmi les disciples, aujourd'hui parmi les maîtres de la grande école spiritualiste que MM. Royer-Collard, Maine de Biran, Cousin, Jouffroy et Rémusat ont relevée dans la patrie de Descartes, M. Janet a publié dans cette Revue et sous ce titre : Un Apologiste chrétien au dix-neuvième siècle, un examen de mes Méditations sur la religion chrétienne, examen accompli avec autant de convenance que de franchise. Je lui dois et je me dois à moi-même d'accepter et la discussion qu'il engage et le nom qu'il m'y donne. C'est en effet une apologie du christianisme, dans l'état actuel de la pensée, de la science et de la société humaine, que j'ai tenté d'esquisser. Et après le travail de M. Janet, toujours pénétré de la même conviction et dévoué à la même cause, c'est encore du christianisme que je voudrais marquer avec précision la place et le caractère, non pas en opposition, mais en regard du spiritualisme, son compagnon au point de départ, mais qui ne lui reste pas uni jusqu'au terme, c'est-à-dire jusqu'au but de la carrière, car qu'est-ce que le terme pour l'esprit humain sinon le but auquel il aspire en partant et en marchant ?..."
" ...Deux grands faits, l'un au XVIIIe siècle, l'autre de nos jours, ont profondément modifié, je devrais dire qu'ils ont détruit cette ancienne organisation des peuples allemands. Au XVIIIe siècle, par le génie politique et militaire d'un grand roi, Frédéric II, l'un des états confédérés, la Prusse, a grandi en étendue extérieure et en force intérieure au point de pouvoir disputer et de disputer en effet la prépondérance, dans la confédération allemande, à l'Autriche, qui la possédait depuis plusieurs siècles. La révolution française et Napoléon, par leurs idées et leurs guerres, ont suspendu cette rivalité des deux principales puissances allemandes, et abaissé tour à tour la Prusse et l'Autriche, la première encore plus que la seconde. Poussées à bout l'une et l'autre, elles se sont relevées ensemble dans le soulèvement général des populations allemandes pour s'affranchir du joug de Napoléon et dans la grande lutte qui a déterminé sa chute. La confédération germanique s'est relevée aussi alors, avec bien des mutilations et une organisation nouvelle, et au sein de la confédération la rivalité de la Prusse et de l'Autriche a reparu, mais atténuée et contenue par l'effet prolongé de leur récente alliance guerrière, par les sentiments personnels des princes, par leur crainte commune des révolutions et par l'aversion des populations allemandes contre toute influence de l'étranger, surtout de la France..."
"... Toinette se taisait, ne sachant que répondre ; elle avait jeté un regard de détresse à sa s¿ur, assise à l'autre bout de la salle ; maintenant, elle baissait les yeux, et délicieusement troublée, la bouche mi-close, elle gardait un sourire d'enfant, tandis que ses seins, lentement, soulevaient son corsage étroit.André se méprit, se crut dédaigné, et la voix tremblante, malgré son air enjoué :- Je ne sais pas, - dit-il, - la sympathie (il n'osa dire : l'amour) vient peut-être plus vite aux garçons qu'aux filles ?Elle lui jeta un vif regard, et il lui échappa :- Vous pourriez vous tromper !Elle vit la joie de ses yeux et, confuse, s'éloigna de lui..."
" La publication des Grands Écrivains de la France marque une phase nouvelle dans l'histoire de la critique littéraire. Nos classiques sont devenus définitivement des anciens, et aux deux antiquités grecque et latine on doit aujourd'hui en ajouter une troisième, celle du XVIIe siècle. Il a fallu du temps pour arriver à cette conviction. Au commencement de ce siècle, on était séparé de Louis XIV à peine par une centaine d'années. Nous avons pu connaître des contemporains de l'abbé Morellet, qui lui-même avait pu connaître Fontenelle, contemporain de Racine et de Boileau. Par ces sortes de transitions, les âges se touchent pendant longtemps, on pense y être encore, et, de même que dans la vie on aime toujours à se croire le contemporain des jeunes gens longtemps après avoir passé l'âge de la jeunesse, de même les nations, qui n'aiment pas plus à vieillir que les individus, rajeunissent leurs écrivains pour se rajeunir elles-mêmes. Cependant une telle illusion finit par disparaître à son tour. La distance des âges augmente d'année en année, de jour en jour ; la différence des temps, des m¿urs, des idées, est bien plus grande encore. Voilà plus de deux cents ans que non-seulement le Cid et Cinna, mais les Provinciales, mais Andromaque et Iphigénie, mais les premières satires de Boileau, les fables de La Fontaine, en un mot la plupart des chefs-d'¿uvre du XVIIe siècle ont paru. Le grand siècle classique à cette période de son âge, en 1675, avait donné toute sa mesure..."
" Où en sommes-nous du débat engagé depuis une trentaine d'années sur l'objet et les méthodes de la psychologie ? Qu'est-il advenu de la célèbre définition donnée par Jouffroy dans sa préface de 1826 : La psychologie est la science des faits de conscience ? Y a-t-il encore aujourd'hui une science de l'observation intérieure, une science de l'homme qui se regarde penser, comme ferait quelqu'un qui se mettrait à la fenêtre pour se voir passer dans la rue ? Ou nous nous trompons fort, ou nous pouvons affirmer que cette définition de Jouffroy, malgré toutes les plaisanteries et toutes les objections auxquelles elle a été en butte, malgré les psychologies diverses qui se sont présentées pour prendre la place de la psychologie défunte, que cette définition, dis-je, malgré tout cela, est demeurée triomphante, inébranlable et inébranlée. Il n'est pas, je crois, aujourd'hui, un philosophe, ni même un physiologiste éclairé et compétent qui nie l'existence d'une science des faits de conscience, d'une psychologie subjective, fondées sur l'observation interne, les autres psychologies que l'on a découvertes depuis (expérimentale, comparée, physiologique, morbide, etc.),..."
Une loi importante sur la liberté de l'enseignement supérieur a été votée par la dernière assemblée. Le nouveau ministère a proposé d'abroger un des articles essentiels de cette loi, à savoir celui qui confie la collation des grades à des jurys mixtes, composés mi-partie de professeurs de l'état et de professeurs libres. Cette proposition a été présentée à la chambre des députés et votée à une grande majorité ; elle est actuellement ou va être très prochainement soumise aux délibérations du sénat. Il est donc opportun d'examiner cette question tandis qu'elle est encore pendante et qu'il peut y avoir quelque chance de persuader les esprits incertains. Le point en litige est de savoir si le droit de conférer des grades qui ouvrent l'accès de certaines carrières fait ou non partie de la liberté d'enseignement. Si ce droit est une conséquence légitime de la liberté, on a tort de vouloir le reprendre aux facultés nouvelles. Si c'est au contraire un droit de l'état, qui a été indûment livré à l'enseignement libre, le gouvernement est fondé à le réclamer, car il n'y a pas de prescription contre l'état. Toute la question est là...
Dans un travail précédent, nous avons étudié un groupe de penseurs chez lesquels l'idée spiritualiste raffinée, subtilisée, vaporisée, au point d'être quelquefois à peine l'ombre d'elle-même, ne paraît subsister qu'à titre de tendance morale et religieuse. Nous voudrions étudier aujourd'hui un autre groupe d'écrivains, plus réglés, plus soucieux de la clarté et de la précision, plus fidèles à la tradition, et qui toutefois ont cherché aussi à rajeunir et à élargir la doctrine spiritualiste, à en tirer non-seulement une philosophie de l'esprit, mais encore une philosophie de la nature. Ceux-ci relèvent de Leibniz, et leur principe est l'idée de force, que ce grand philosophe a introduite dans la philosophie et dans la science. Tout être est actif par essence. Ce qui n'agit pas n'existe pas, quod non agît, non existit. Or tout ce qui agit est force : tout est donc force ou composé de forces, et cela est vrai des corps comme des esprits. L'essence de la matière n'est pas l'étendue inerte, comme le croyait Descartes, c'est l'action, l'effort, l'énergie. De plus le corps est composé, et le composé suppose le simple. Les forces qui composent le corps sont donc des éléments simples, inétendus, des atomes incorporels. Ainsi l'univers est un vaste dynamisme, un savant système de forces individuelles, harmoniquement liées sous le gouvernement d'une force primordiale, dont l'activité absolue laisse subsister en dehors d'elle l'activité propre des créatures et les dirige sans les absorber...
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