Om JACQUES ET MARIE
Ces familles étaient venues là, les unes après les autres, comme viennent les débris d¿un naufrage sur la même falaise, quand, après bien des vents contraires, une brise continue se met à souffler vers la terre. Des pères qui avaient eu des familles nombreuses arrivèrent avec quelques-uns de leurs enfants, ou avec ceux de leurs voisins seulement ; des jeunes filles, parties avec leurs vieux parents, se rendirent avec les parents des autres ; un homme qui comptait plusieurs frères parvint au terme de la route avec deux ou trois neveux : il n¿entendit jamais parler de ceux qui étaient restés en arrière ; quelques amis, quelques alliés réussirent à se rejoindre à différents intervalles, mais cela fut rare. Un jeune homme qui s¿était fait marin parvint à recueillir plusieurs des siens dispersés sur différents rivages. Dans le cours de leurs pérégrinations, il y en a qui franchirent des espaces incroyables, à pied, à travers les forêts, le long des fleuves, sur les rivages arides de la mer. Tantôt ils furent arrêtés par la maladie et la misère, d¿autres fois ils s¿égarèrent longtemps. On offrit à quelques-uns le travail des esclaves, à d¿autres un salaire, mais un salaire donné par des mains étrangères. Mais tous préférèrent continuer leur chemin. Ils cherchaient un ciel ami qui leur rappelât celui qüils ne devaient plus revoir, ou ils mouraient en le cherchant...
Vis mer