Om Le « décivilisé »
C¿était en un coin perdu de l¿Île Australe, sur les bords de la mer Indienne, dans un pauvre village Betsi- misârak. La nuit tombait vite, presque sans crépuscule, comme il arrive sous les Tropiques. Le soir réveillait la vie humaine assoupie pendant la chaleur accablante du jour. Devant les cases, les hommes et les garçons fen- daient du bois ; d¿autres revenaient de la forêt, la hache ou le long couteau de brousse à la main. Au pied des manguiers touffus, sur l¿aire couverte de son, les jeunes filles et les enfants pilaient le riz dans les épais mortiers de bois. Les femmes arrivaient de l¿aiguade avec sur l¿épaule les lourds bambous pleins d¿eau ; ou bien elles portaient le feu de case en case, soit en bambous en- flammés, soit en braises dans un tesson ou dans une feuille de bananier pliée en forme de petite corbeille. Quand en route le feu s¿éteignait ou tombait sur le che- min, c¿étaient des fusées de rires clairs et jeunes, des oc- casions de conversation sans fin. Les enfants jouaient, s¿ébrouaient dans le sable, s¿interpellaient de maison à maison. Hors du village on entendait les meuglements des b¿ufs regagnant les parcs. Des poules caquetaient, des oies poussaient de longs cris stridents. Les faucons, qui tout le jour planent sur les demeures des hommes, avaient disparu dans la forêt ; de temps en temps, une chauve-souris géante, avec des claquements d¿ailes iné- gaux, voletait lourdement autour des manguiers, annon- ciatrice de la nuit.
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